Si les premières semaines de la Coupe du monde de football ont réservé aux fans plusieurs surprises de taille, comme l'élimination de l'Allemagne et de l'Espagne, le scénario de guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, lui, se déroule comme prévu, au risque d'alimenter la nervosité sur les marchés financiers.
Aucun rebondissement de dernière minute n'a empêché vendredi Washington d'augmenter les droits de douane sur 34 milliards de dollars (29 milliards d'euros) de produits importés de Chine, ni Pékin de répliquer par des mesures équivalentes.
De quoi relancer la spirale des sanctions et des représailles. D'autant que le président américain n'hésite plus désormais à évoquer la taxation de 500 milliards de dollars de produits chinois.. soit plus de 20% de l'ensemble des importations annuelles américaines de biens (2.208 milliards de dollars en 2017).
L'impact réel de ces tensions sur les échanges et la croissance mondiale reste difficile à mesurer mais les chiffres mensuels du commerce extérieur chinois attendus vendredi prochain devraient être étudiés avec intérêt.
D'autant que les événements des derniers jours ont montré que la Chine était pour l'instant le marché le plus exposé à l'influence des turbulences commerciales sur l'état d'esprit des investisseurs: le yuan a touché en début de semaine son plus bas niveau face au dollar après avoir subi en juin sa plus lourde chute historique contre le billet vert.
Au point de pousser la Banque populaire de Chine à afficher publiquement sa détermination à assurer la stabilité de la monnaie, une démarche inhabituelle.
"Après les chiffres spectaculairement faibles des ventes au détail, de l'investissement et de la croissance du crédit en Chine pour mai, la BPC devait montrer qu'elle agissait", explique Albert Edwards, stratège de la Société générale en rappelant que l'impact des droits de douane américains sur l'économie chinoise pourrait atteindre "près d'un point de PIB et trois à quatre millions d'emplois", alors qu'il serait plus modeste sur la croissance américaine.
Les marchés chinois souffrent eux aussi: en repli de 3,5% sur la semaine, l'indice SSE Composite de Shanghai affiche sept semaines de baisse d'affilée et accuse désormais un repli de 17% depuis le début de l'année.
L'indice mondial MSCI, lui, s'oriente vers une hausse modeste sur la semaine mais il est désormais bien installé sous sa moyenne mobile à 200 jours.
LE PÉTROLE CHER, UN AUTRE PROBLÈME POUR TRUMP
Engagé en attaque contre la Chine, Donald Trump doit aussi rester vigilant en défense face à la hausse des prix à la pompe, un enjeu politique à ne pas négliger à quatre mois des élections de mi-mandat aux Etats-Unis.
Le tweet rageur publié mercredi pour appeler les pays producteurs de pétrole à "réduire les prix maintenant" a clairement exprimé le mécontentement de Washington face à la remontée des cours du brut. Mais il n'a pour l'instant guère été suivi d'effet et le baril reste proche des plus hauts de trois ans et demi atteints en début de semaine.
La problématique est bien connue: l'hypersensibilité du consommateur américain au prix du gallon d'essence pourrait peser sur la consommation et la hausse des coûts de l'énergie rogner les marges des entreprises, ce qui réduirait l'impact de la relance budgétaire et fiscale mise en oeuvre par l'administration Trump.
Les chiffres de l'inflation aux Etats-Unis (prix à la production mercredi, à la consommation jeudi), eux, devraient surtout permettre d'en savoir plus après ceux, inférieurs aux attentes, publiés vendredi sur les salaires.
En zone euro, le compte rendu de la dernière réunion de la Banque centrale européenne (BCE), attendu jeudi, pourrait permettre d'en savoir plus sur les débats en cours au sein du Conseil des gouverneurs sur l'arrêt des achats d'actifs, la stratégie de réinvestissement et la remontée des taux à venir à partir de l'été 2019.
Pour le secteur financier, l'autre grand rendez-vous de la semaine à venir est fixé à vendredi prochain avec la publication des résultats trimestriels de trois des principales banques américaines, JPMorgan Chase, Citigroup et Wells Fargo, un triplé qui donnera le véritable coup d'envoi de la saison des publications.
Les consensus en matière de résultats de sociétés continuent d'assurer un soutien non négligeable aux actions: selon les données Thomson Reuters, les profits du Standard & Poor's 500 américain devraient avoir bondi de 20,7% au deuxième trimestre et ceux du Stoxx 600 européen de 8,7%, une progression toujours honorable.
LES ACTIONS EUROPÉENNES INJUSTEMENT DÉLAISSÉES ?
A quelques exceptions près, dont celles de Daimler et Osram, qui ont averti sur leurs résultats, l'impact des tensions récentes sur les bénéfices des sociétés européennes est pour l'instant peu sensible. Au point que certains observateurs s'interrogent sur le désintérêt récent des investisseurs pour les actions européennes.
"En Europe, les prévisions de bénéfices, selon le consensus, restent à peu près stables alors que les marchés européens ont plutôt corrigé", note ainsi Florent Delorme, de M&G Investments.
"Il y a bien sûr d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte mais ce qui est assez surprenant, c'est que les perspectives bénéficiaires, sur la base d'une analyse 'bottom up' (centrée sur la sélection de valeurs, ndlr), n'ont pas fondamentalement changé alors que les opérateurs ont plutôt eu tendance à quitter le marché européen."
Le constat est le même pour Ann Steele, gérante senior de Columbia Threadneedle en charge de la stratégie paneuropéenne, qui met en avant la décote d'un tiers, en termes de ratio cours/bénéfice, des valeurs européennes sur les américaines.
"Pour de nombreux investisseurs internationaux, le Vieux Continent est dépourvu de sociétés technologiques à croissance rapide, susceptible de souffrir d'une appréciation de l'euro et risque d'être fragmenté par les courants politiques populistes. De ce fait, ces investisseurs manquent une occasion d'investir dans des entreprises d'envergure mondiale, portées par le redressement rapide de leur marché national."
Pour autant, certains secteurs exposés aux tensions commerciales ou à l'évolution des projets d'investissements des entreprises pourraient bel et bien accuser le coup dans les semaines à venir.
Ainsi, pour Invest Securities, "il est probable que les publications du premier semestre reflètent une certaine prudence, voire même des inquiétudes de la part des sociétés."
"La prudence semble donc de rigueur avant d'aborder une période estivale traditionnellement chahutée." P
PARIS, 9 juillet (Reuters).