LONDRES (Reuters) - Certaines des principales économies de la planète pourraient voir leur note de crédit abaissée ou menacée de l’être dans les prochains mois, avertit le principal analyste en charge des notes souveraines chez S&P Global, mettant en garde contre une possible deuxième vague des révisions liées à la crise du coronavirus.
Roberto Sifon-Arevalo, directeur exécutif en charge des notes souveraines au sein de l’agence de notation, a dit à Reuters que les coûts colossaux liés au soutien aux systèmes de santé, aux entreprises et aux salariés depuis le début de la pandémie étaient en train de dégrader profondément les finances publiques de certains pays.
S&P Global a déjà abaissé les notes ou les perspectives de près de 60 pays depuis le début de l’année mais ce mouvement n’a que peu concerné les pays les plus riches, généralement mieux notés.
La donne pourrait toutefois changer car bon nombre de ces pays vont voir en un an leur ratio d’endettement (la dette publique rapportée au produit intérieur brut) s’envoler de 15 à 20 points de pourcentage, un changement qui prend habituellement quatre ou cinq ans, tout en se dirigeant vers une hausse des dépenses pendant trois à cinq ans encore.
“On parle des notes de l’Union européenne ou de pays très développés comme le Japon ou le Royaume-Uni, ou des Etats-Unis, qui ont été capables de mettre en oeuvre des paquets de mesures budgétaires et monétaires massifs pour se défendre”, explique Roberto Sifon-Arevalo.
“Le principal enjeu, c’est de déterminer maintenant comment on voit la trajectoire évoluer. Si nous concluons que la trajectoire se dirige vers un schéma structurel différent, il y a aura des mouvements (sur les notes).”
Au total, 31 pays, soit près d’un quart du nombre total d’émetteurs souverains notés par S&P, voient leur note assortie d’une perspective négative, qui conduit dans la majorité des cas à une dégradation. Parmi eux se trouvent l’Australie, pour l’instant noté AAA-, l’Italie et le Mexique, notés BBB, ou l’Espagne, notée A.
Et il ne faut pas exclure non plus une nouvelle vague de perspectives négatives, dans le contexte de la résurgence de l’épidémie dans de nombreux pays.
“Dans un premier temps, il s’agira d’un changement de perspective”, explique Roberto Sifon-Arevalo. “Et ensuite, il y aura ceux qui, peut-être, s’en sortiront et retourneront à des (perspectives) stables dans quelques années. Mais il y aura ensuite ceux qui ne redeviendront pas stables et continueront de descendre l’échelle des notes.”
Deux autres groupes de pays en moins bonne santé sont aussi menacés: dans le premier, en Amérique latine, le Mexique et le Brésil sont sous pression, tout comme la Colombie, qui risque de basculer dans la catégorie des pays dont la dette est jugée spéculative (“junk”).
L’autre groupe réunit plusieurs des pays les plus pauvres et les plus endettés du monde en Afrique sub-saharienne, et Roberto Sifon-Arevalo n’exclut pas que certains soient contraints de restructurer leur dette ou fassent défaut.
Parmi ces nations se trouvent la Zambie, l’Angola ou encore le Ghana.
La Zambie a d’ores et déjà demandé à ses créanciers internationaux un allongement des délais de remboursement, sa dette dépassant 100% de son PIB.
“Je crois qu’il est probable qu’il y ait d’autres cas comme la Zambie”, a dit Roberto Sifon-Arevalo.
“On peut imaginer que quand on dépense 50 cents sur chaque dollar, peso ou quelque monnaie que l’on engrange, simplement pour payer les intérêts de sa dette, cela commence à devenir difficile.”