PARIS (Reuters) - Société générale a annoncé lundi avoir accepté de payer un total d’environ 1,3 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros) aux autorités américaines et au Parquet national financier (PNF) français pour mettre fin à deux litiges aux Etats-Unis relatifs au taux interbancaire Libor et au dossier du fonds souverain libyen.
La banque française précise dans un communiqué qu’elle versera 275 millions de dollars au département américain de la Justice (DoJ) et 475 millions de dollars à la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), l’autorité de tutelle des marchés à terme américains, dans le cadre d’un litige lié à la manipulation du Libor.
SocGen ajoute que 292,8 millions de dollars seront versés au DoJ et 250,15 millions d’euros au PNF pour le dossier libyen dans lequel il est reproché à la banque française d’avoir eu recours entre 2005 et 2009 à des intermédiaires et des commissions s’apparentant à des pots-de-vin pour placer des produits financiers complexes dans le pays.
L’intervention de la justice américaine dans ce dossier est notamment justifiée par le fait que les transactions étaient en dollars et qu’une partie des réunions lors desquelles elles ont été discutées ont eu lieu aux Etats-Unis, précise le PNF.
Les versements pour les deux dossiers, entièrement couverts par la provision inscrite dans les comptes de la banque pour ces deux litiges, n’auront donc pas d’impact sur les résultats de ses comptes, ajoute le groupe.
SocGen souligne aussi avoir accepté de conclure un accord de suspension des poursuites d’une durée de trois ans avec le DoJ s’agissant des dossiers Ibor et libyen.
“Il sera définitivement mis fin à ces poursuites contre Société générale si celle-ci respecte les termes de cet accord, ce que la banque s’engage pleinement à faire”, ajoute le groupe français.
Aucun contrôleur indépendant (“compliance monitor”) n’a été imposé dans le cadre de ces accords, souligne aussi la banque.
“Par ailleurs, SGA Société Générale Acceptance (“SGA”), une filiale du groupe dédiée à l’émission de produits d’investissement, a accepté de plaider coupable aux Etats-Unis dans le dossier libyen”, ajoute la banque.
“Cela n’aura aucune conséquence sur la capacité de SGA à remplir ses obligations en tant qu’émetteur, lesquelles continueront à être garanties par Société générale”.
CORRUPTION D’AGENTS PUBLICS ÉTRANGERS
Le volet français des accords liés au dossier libyen, la deuxième convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) conclue par le PNF après celle avec HSBC l’automne dernier (), a été validé lundi par le tribunal de Paris.
La procureure générale financière, Eliane Houlette, a souligné que la CJIP signée le 24 mai évitait à la Société générale un procès pour corruption d’agents publics étrangers.
Il est reproché à la banque française d’avoir mis en place “des produits assez créatifs avec une grande liberté d’action”, a résumé un procureur du PNF.
Elle a ainsi placé pour quelque 3,6 milliards de dollars dans des institutions libyennes, dont 2,1 milliards dans la seule Libyan Investment authority (LIA) en cinq transactions, entre début 2007 et juillet 2009, a-t-il précisé.
La Société générale a versé quelque 90 millions de dollars de commissions à un seul intermédiaire, ami d’enfance d’un des fils du dictateur libyen déchu Mouammar Kadhafi, qui intervenait par le biais d’une société spécialement crée et enregistrée au Panama, a ajouté cet adjoint d’Eliane Houlette.
Le même intermédiaire a reversé quelque 20 millions de dollars à un proche d’un dirigeant de la LIA.
Selon le PNF, le profit tiré par la banque des placements de la LIA se sont élevés à près de 335 millions d’euros.
Pour s’éviter un procès avec la LIA devant la justice britannique, la Société générale avait déjà accepté début mai de verser 963 millions d’euros au fonds souverain libyen.
Mais si le dossier est clos pour la personne morale, “l’enquête se poursuit à l’égard des personnes physiques”, a cependant tenu à souligner Eliane Houlette.
AMENDE HONORABLE
Le président du tribunal a souligné que les faits avaient été “entièrement reconnus” par la banque française, qui a fait amende honorable, comme est venu le redire à la barre lundi son directeur juridique, Dominique Bourrinet.
“La Société générale est déterminée à tirer toutes les leçons de cette affaire”, a dit ce dernier à Reuters en marge de l’audience. “Elle a déjà mis en oeuvre un certain nombre d’actions correctrices et renforcé son dispositif (...) visant à mieux prévenir et détecter les risques de corruption.”
L’Agence française anticorruption (AFA) devra vérifier deux ans durant la mise en oeuvre de ce dispositif.
L’action Société générale a clôturé en hausse de 0,73% lundi à 37,805 euros, après avoir perdu 12% cette année et 8% l’an passé, notamment sous l’effet de ces contentieux.().
Dans le cadre de ses négociations sur le litige relatif au Libor, la banque a aussi été contrainte de se séparer en mars de son directeur général délégué Didier Valet.
La Société générale est par ailleurs toujours en discussion avec les autorités américaines pour solder un troisième litige, portant sur des soupçons de violation d’embargo. Un contentieux dont l’issue ne devrait pas intervenir avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, selon la banque.
Pour couvrir la totalité des amendes qu’elle encourt dans tous ces litiges, celle-ci a mis en place quelque 2,3 milliards d’euros de provisions.