La semaine écoulée a illustré tout le poids sur les marchés financiers d’un conflit commercial sino-américain appelé à durer, les indices boursiers plongeant dans le rouge à chaque salve d’artillerie et se redressant à la moindre accalmie en ignorant superbement d’autres risques pourtant bien réels.
Même les élections européennes, lourdes d’enjeux avec la montée des populismes et la menace d’une érosion des forces qui font depuis longtemps la pluie et le beau temps à Bruxelles, n’ont pas réussi à faire diversion.
Quant aux comptes rendus des dernières réunions de la Réserve fédérale et de la Banque centrale européenne, à lire pourtant avec soin dans un environnement aux allures de casse-tête pour les décideurs monétaires, ils ont été publiés dans l’indifférence générale.
L’intérêt des marchés pour la situation en Europe devrait grandir dans le sillage du scrutin, avec des évolutions politiques significatives à attendre dans certains pays, notamment en Grande-Bretagne, après l’annonce par Theresa May qu’elle démissionnerait le 7 juin, mais aussi en Italie, avec une probable montée en puissance de la Ligue (extrême droite) au détriment du Mouvement 5 Etoiles (M5S).
La bataille pour la succession de Mario Draghi à la tête de la Banque centrale européenne (BCE), intimement liée au verdict des urnes, retiendra également l’attention des milieux de la finance dans les mois à venir.
PAS DE PAIX COMMERCIALE EN VUE
En attendant, le conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine prend toute la place.
Il a suffi que l’administration américaine évoque une levée temporaire des sanctions à l’encontre du géant chinois des télécoms Huawei pour que les actions s’offrent mardi un bref rebond.
Elles n’ont pas tardé à replonger sur la crainte d’une guerre froide durable entre les deux premières économies du monde, avec la technologie en première ligne.
Les marchés chinois souffrent particulièrement et ont vu leurs indices de référence touché jeudi des creux de trois mois.
Les développements récents ne font rien pour dessiner une issue rapide au bras de fer entre Washington et Pékin, explique Sam Vecht, gérant fondamental au sein de l’équipe actions globales émergentes de BlackRock.
“Beaucoup de gens se focalisent sur ce dossier mais je pense que la question ne va pas s’en aller et qu’il n’y aura pas de résolution claire, qu’elle soit positive ou négative”, dit-il à Reuters.
“Le temps que cela prendra pour que les choses s’éclaircissent permettra à d’autres thématiques de faire surface”, ajoute-t-il, bien que l’actualité des derniers mois ne fasse rien pour suggérer une telle évolution.
DES INDICATEURS MOINS RASSURANTS
Ce que redoutent en premier lieu les investisseurs d’une guerre commerciale, c’est qu’elle pèse sur la croissance économique et favorise une entrée en récession, notamment aux Etats-Unis, rappellent les analystes de Saxo Banque.
“Les marchés sont attentifs à toute information pouvant laisser penser que l’impact négatif de la guerre commerciale se fasse prématurément ressentir avec des conséquences pour les Etats-Unis qui pourraient être réévalués”, écrivent-ils.
Les indicateurs américains se font moins rassurants ces derniers temps, notent-ils. L’annonce, mardi, d’une baisse inattendue des reventes de logements en avril puis celle, deux jours plus tard, d’une croissance de l’activité manufacturière quasiment nulle en mai, ont illustré leurs propos.
Dans ce contexte, il faudra surveiller l’indice de confiance du consommateur américain que publiera mardi prochain le Conference Board et, deux jours plus tard, une deuxième estimation de la croissance du produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis au premier trimestre. La première estimation, à 3,2% en rythme annualisé, avait dépassé les attentes des économistes sans provoquer d’enthousiasme sur des marchés prudents.
Les résultats des enquêtes officielles auprès des directeurs d’achat (PMI) sur l’activité en Chine, attendus pour vendredi, pourraient également entraîner de la volatilité sur les marchés, comme l’ont fait jeudi des indices PMI européens peu reluisants.
LA FED NE TOUCHE À RIEN
Autre sujet sensible depuis des mois, la politique monétaire, en particulier celle de la Réserve fédérale, qui avait surpris les marchés le 20 mars dernier en laissant entendre qu’elle ne relèverait pas les taux cette année et en annonçant qu’elle arrêterait de réduire son bilan en septembre.
La publication du compte rendu de la dernière réunion de la banque centrale américaine était donc très attendue, sur fond d’interrogations quant à l’opportunité d’une baisse de taux dans les mois à venir, auxquelles ni le communiqué ni la conférence de presse du 1er mai n’avaient répondu.
Les décideurs de l’institut d’émission sont convenus que leur approche patiente demeurerait la norme “pendant quelques temps”, montrent ces “minutes”, qui n’ont pas ému les marchés.
Les taux d’intérêt sont à leur juste niveau étant donné la vigueur persistante de l’économie et la faiblesse des pressions inflationnistes, jugent les têtes pensantes de la Fed.
Avec des banques centrales toujours accommodantes, une croissance modérée et une inflation contenue, l’environnement global reste favorable aux marchés d’actions, font valoir les experts de BNP Paribas Asset Management.
Deux scénarios plausibles pourraient cependant jouer les trouble-fête, écrivent-ils dans une note: “un ralentissement économique mondial, qui pénaliserait les actions mais soutiendrait les emprunts d’État, et une surchauffe de l’économie américaine, qui contraindrait la Réserve fédérale à resserrer sa politique monétaire, portant ainsi potentiellement préjudice aussi bien aux actions qu’aux obligations.”
PARIS (Reuters)