WASHINGTON (Reuters) - Un an jour pour jour après l'investiture de Donald Trump à la Maison blanche, le gouvernement fédéral américain se retrouve officiellement samedi à court d'argent, faute d'accord entre républicains et démocrates.
Alors que la Chambre des représentants avait adopté jeudi une proposition de loi visant à prolonger le financement du gouvernement fédéral jusqu'au 16 février, et éviter ainsi ce "shutdown", il a manqué dix voix au Sénat pour que le texte passe.
Pour la première fois depuis octobre 2013, le gouvernement fédéral va devoir fermer des dizaines d'agences à travers le pays et suspendre le versement des salaires de centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux "non-essentiels", mis en congé d'office.
Les sénateurs avaient jusqu'à minuit vendredi soir (samedi 05h00 GMT) pour s'entendre. Les républicains, qui ne contrôlent la chambre haute du Congrès qu'à une voix de majorité, n'ont pu convaincre que cinq démocrates de s'allier à eux, insuffisant pour réunir la majorité qualifiée fixée à 60 voix d'autant que cinq élus républicains ont voté contre.
LES DEUX CAMPS SE REJETTENT LA RESPONSABILITÉ
Donald Trump, qui avait renoncé à se rendre dans sa résidence floridienne de Mar-a-Lago pour y fêter sa première année au pouvoir, a aussitôt condamné les démocrates.
"Cette nuit, ils ont fait passer la politique politicienne au-dessus de notre sécurité nationale, des familles de nos militaires, des enfants vulnérables et de la capacité de notre pays à servir tous les Américains", a rapporté la Maison blanche dans un communiqué.
La présidence ajoute qu'il n'est pas question de débattre de l'immigration tant que l'administration fédérale fonctionnera au ralenti.
"Nous ne négocierons pas le statut des immigrants illégaux tant que les démocrates retiendront en otage les citoyens avec leurs exigences irresponsables. C'est un comportement de perdants obstructionnistes, pas de législateurs", prévient-elle.
Car les démocrates, bien avant ce vote, avaient annoncé vouloir trouver un accord sur l'immigration sous peine de ne pas voter cette loi de financement.
En septembre, l'administration Trump a annoncé l'abrogation du programme Daca (Deferred Action for Childhood Arrivals), qui protège des jeunes migrants clandestins, une suppression programmée pour le début du mois de mars mais qui est à ce stade bloquée par la décision d'un juge de San Francisco.
Grâce au programme Daca, instauré par Barack Obama en 2012, près de 700.000 jeunes gens, connus sous le nom de "Dreamers", entrés illégalement sur le territoire américain avec leurs parents, sont protégés de toute expulsion des Etats-Unis et autorisés à travailler légalement.
Aussi Chuck Schumer, chef de file du groupe démocrate au Sénat qui avait été reçu vendredi après-midi par Trump, a-t-il imputé l'entière responsabilité de l'échec des négociations au président républicain, rappelant qu'il avait fermé la porte à une proposition bi-partisane au cours de la semaine.
Schumer et son homologue républicain, Mitch McConnell, ont cependant exprimé leur détermination à trouver un accord le plus vite possible pour mettre un terme à cette situation de "shutdown", le premier depuis octobre 2013.
L'administration fédérale, sous la présidence de Barack Obama, avait alors tourné au ralenti pendant 16 jours.
Même si, par le passé, les paralysies du gouvernement fédéral n'ont pas eu d'impact négatif durable sur l'économie américaine, les intervenants de marchés financiers pourraient s'inquiéter si aucune perspective de solution n'était trouvée d'ici lundi.
"LES PROBLÈMES PARTENT DU SOMMET ET DOIVENT ÊTRE RÉGLÉS AU SOMMET"
Mitch McConnell espère à présent rassembler une majorité suffisante pour prolonger les financements fédéraux jusqu'au 8 février. Le camp démocrate propose lui une extension plus limitée, de cinq jours seulement, pour contraindre les deux partis à s'engager sérieusement dans des négociations sur le dossier de l'immigration.
Pour Donald Trump, ce "shutdown" est un revers, lui qui avait estimé en 2013 que la responsabilité de la précédente crise budgétaire incombait au président Obama.
"Les problèmes, avait-il alors expliqué sur la chaîne Fox, partent du sommet et doivent être réglés au sommet. Le président est le leader, il doit réunir tout le monde dans une pièce et il doit diriger."
La réunion qu'il a eue vendredi après-midi pendant une heure et demie environ avec Schumer, sans aucun représentant du Parti républicain, semblait pourtant avoir esquissé une solution.
Selon une source informée de la teneur de leurs échanges, les deux hommes s'étaient mis d'accord pour tenter de définir un accord global qui aurait donné gain de cause aux démocrates sur les 700.000 "Dreamers" tandis que Trump aurait obtenu plus de fonds pour son projet de mur le long de la frontière mexicaine.
En début de soirée cependant, ce plan était mort-né. Entre-temps, Trump s'était entretenu avec des républicains conservateurs et semble avoir été frappé par leurs objections, ajoute-t-on de même source.
"Il n'a pas fait pression sur son parti pour qu'il l'accepte", a confié Schumer dans la soirée.
"Donald Trump n'est pas capable de mener à bien ce genre de discussions complexes", a déploré John Yarmuth, élu démocrate à la commission des Affaires budgétaires de la Chambre des représentants. "Il n'a pas les capacités d'attention nécessaires. Ça ne l'intéresse pas. Tout ce qu'il veut faire, c'est montrer qu'il s'engage dans le processus."