MERIDIAN, Mississippi/SAN FRANCISCO (Reuters) - La décision de Donald Trump de relever les droits de douane sur 200 milliards de dollars de produits chinois importés alimentait vendredi les spéculations sur la possibilité d’une baisse de taux d’intérêt de la Réserve fédérale d’ici la fin de l’année, un scénario qu’un responsable de la banque centrale n’exclut pas si la conjoncture se détériore.
La Fed a annoncé en janvier qu’elle prévoyait de laisser ses taux inchangés jusqu’en 2020 afin de se donner le temps d’évaluer l’impact de facteurs parfois contradictoires, parmi lesquels une inflation plus faible que prévu mais aussi une croissance et des créations d’emploi supérieures aux attentes.
Donald Trump et plusieurs autres hauts responsables politiques américains ont appelé à de multiples reprises la banque centrale à baisser les taux pour doper la croissance, qui devrait décélérer au deuxième trimestre après avoir atteint 3,2% en rythme annualisé sur les trois premiers mois de l’année.
Vendredi, le président de l’antenne régionale d’Atlanta de la Fed, Raphael Bostic, n’a pas exclu que la hausse des tarifs douaniers finisse par justifier une telle baisse de taux.
“C’est possible, en fonction de la gravité de la réaction”, a-t-il dit à des journalistes. “Cela dépendra de ce que les entreprises décideront de faire et cela dépendra du temps pendant lequel les droits de douane seront en vigueur.”
Les prévisions publiées en mars par la Fed suggèrent que la majorité de ses dirigeants prévoient une stabilité des taux jusqu’à la fin de l’année. Et au début du mois, le président de l’institution, Jerome Powell, a déclaré que la faiblesse de l’inflation observée récemment relevait de facteurs temporaires et réaffirmé qu’il n’était urgent ni de relever ni de réduire les taux.
Les chiffres des prix à la consommation aux Etats-Unis publiés vendredi restent de fait contenus.
Avec l’entrée en vigueur vendredi de droits de douane à 25% sur 200 milliards de dollars de produits chinois, les marchés à terme sur les taux d’intérêt ont commencé à réintégrer dans les cours la possibilité d’une baisse d’un quart de point de l’objectif de taux des “fed funds” d’ici fin décembre.
La Fed vise pour l’instant un taux des fonds fédéraux situé entre 2,25% et 2,50%, un niveau qui, selon ses estimations, ne stimule ni ne freine la croissance.
Une majorité d’observateurs s’attend à ce que les importateurs américains répercutent la hausse des tarifs douaniers sur leurs prix de vente, ce qui se traduirait par des hausse des prix à la consommation dans les mois à venir.
Logiquement, une telle hausse de prix devrait dissuader la Fed de réduire les taux mais dans ce cas, la probabilité d’une baisse pourrait en être augmentée. Des analystes jugent en effet que les hausses de prix liées aux tarifs douaniers devraient n’être que temporaires et que la Fed choisira donc probablement de les ignorer.
Bart Hobijn, professeur d’économie à l’Arizona State University, a récemment co-signé une étude avec des chercheurs de la Fed de San Francisco concluant à des effets inflationnistes “notables” mais transitoires des hausses de droits de douane.
L’impact sur les dépenses de consommation et la croissance pourrait en revanche être plus marqué, particulièrement si les relations USA-Chine continuent de se détériorer et si l’administration Trump met à exécution sa menace d’étendre la taxation des produits chinois aux 325 milliards de dollars d’échanges qui sont pour l’instant épargnés.
Pour Michael Hanson, analyste de TD Securities, la Fed ne devrait pas baisser les taux à titre préventif mais devrait attendre d’éventuels signes tangibles de ralentissement, qu’ils concernent les échanges commerciaux internationaux ou la consommation et l’emploi aux Etats-Unis.
Si c’est le cas, poursuit-il, la Fed pourrait devoir réagir en s’engageant dans un nouveau cycle de baisse de taux. Il ajoute toutefois que cette hypothèse n’est pas son scénario privilégié.
Tous les analystes ne sont pas aussi inquiets. Bart Hobijn explique ainsi que les consommateurs adapteront leurs dépenses à l’évolution des prix en se reportant sur des produits moins chers. “L’ampleur de ce mouvement de substitution est difficile à prédire mais il compensera en partie les effets inflationnistes et de contraction des droits de douane”, assure-t-il.
Le président de la Fed de New York, John Williams, a lui aussi semblé vouloir relativiser l’impact des droits de douane vendredi.
“Les tensions commerciales restent un problème”, a-t-il dit avant d’ajouter qu’il continuait de tabler sur une croissance de l’économie américaine d’environ 2,25% cette année, donc supérieure à ce qu’il estime être son rythme de long terme.
Son homologue d’Atlanta, Raphael Bostic, a précisé qu’il commencerait sa journée lundi en étudiant les estimations de l’impact potentiel des droits de douane sur la croissance du PIB.