LONDRES (Reuters) - Longtemps bannie du marché obligataire, la Grèce semble être en voie de rédemption.
Après des années d’austérité, la sortie de son troisième plan de sauvetage, d’un montant de 86 milliards d’euros, en août marquera la fin d’une ère durant laquelle le pays a fait défaut et a manqué de peu de sortir de la zone euro.
La Grèce, qui a reçu au total 260 milliards d’euros d’aide financière depuis 2010, sera le dernier des pays membres de l’Union européenne à être sorti d’affaires, après l’Irlance en 2013, l’Espagne et le Portugal en 2014, et Chypre en 2016.
Désormais, le pays a besoin d’attirer les investisseurs de long terme sur son marché obligataire afin de pouvoir se financer de manière indépendante une fois sorti du plan d’aide international.
L’inclusion de la dette grecque dans le programme d’achats d’actifs (dit d’assouplissement quantitatif, QE) de la Banque centrale européenne (BCE) constituerait un premier signal important.
Pour que ses emprunts soient inclus dans le QE, la Grèce devra réussir un examen minutieux de la BCE sur la gestion durable de sa dette. Une telle réussite est peu probable dans l’immédiat: le pays doit encore mettre en oeuvre les réformes exigées en juin par ses créanciers afin de faire baisser son endettement.
Le ratio de la dette au produit intérieur brut (PIB) de la Grèce atteint près de 180%, soit le taux d’endettement le plus élevé des pays de la zone euro.
Les analystes de HSBC soulignent toutefois que la Grèce est considérée comme un cas à part par les autorités de la zone euro, ce qui pourrait induire une certaine indulgence sur les conditions nécessaires à l’intégration dans le QE.
Si la BCE se dit satisfaite de la soutenabilité de la dette de la Grèce, cela ouvrira la voie à une éventuelle intégration de ses obligations dans les derniers mois du QE - qui doit s’achever en décembre - ou a minima dans le programme de réinvestissement des titres échus et acquis dans le cadre du QE.
“Nous pensons que l’accord signé en juin avec l’Eurogroupe a significativement augmenté les chances que la dette grecque soit incluse dans les achats d’actifs de la BCE”, indique François Cabau, économiste chez Barclays.
Il estime que la BCE pourrait acheter jusqu’à trois milliards d’euros de dette grecque.
L’amélioration du sentiment autour de la Grèce a permis une forte détente des rendements obligataires du pays : le rendement à 10 ans est retombé autour de 3,8%, contre 40% au plus fort de la crise, et celui à deux ans a perdu 60 points de base cette année, à 1,05%, bien en-dessous de son équivalent américain.
La taille réduite du marché obligataire grec, associée à la faiblesse des volumes et à une notation dégradée, a néanmoins poussé de nombreux investisseurs à éviter la dette grecque ces dernières années, au profit de marchés plus liquides et accessibles.
Environ 83% de la dette existante de 332 milliards d’euros de la Grèce est détenue par des établissements publics, le reste étant aux mains de fonds d’investissement, de banques et de fonds de pension locaux.
Le marché obligataire grec représente une quarantaine de milliards d’euros et ne constitue donc qu’une très faible partie des 2.000 milliards d’obligations échangées sur les marchés allemand, français et italien.
Athènes n’a aucune urgence à se financer rapidement sur le marché obligataire. Selon UBS, le pays doit encore recevoir un versement final de 15 milliards d’euros dans le cadre du plan de sauvetage, ce qui lui permettrait de disposer d’une réserve de liquidités de 24 milliards d’euros.
La Grèce aurait ainsi de quoi se financer jusqu’en 2020 mais une nouvelle émission de dette pourrait accroître la liquidité de son marché.
Des stratèges obligataires estiment qu’une adjudication de dette grecque à dix ans pourrait atteindre un rendement d’environ 4%; un taux relativement attractif au regard des rendements allemand (0,34%) et italien (2,5%) de même échéance.
En février, un adjudication d’obligations grecques à sept ans avait rencontré une forte demande, ce qui avait été perçu comme un test décisif de l’intérêt des créanciers privés.
Mais jusqu’à maintenant, les investisseurs privés qui ont montré de l’intérêt pour la dette grecque tendent à être ceux qui ont le goût et l’habitude de prendre des risques et qui ont acheté du papier grec tout au long de la crise.
C’est notamment le cas des hedge funds, comme l’américain Japonica Partners qui a acheté de la dette grecque en 2012, au plus fort de la crise, et a continué à investir depuis.
“Notre équipe de recherche a découvert nombre d’idées fausses et une sous-valorisation relative importante, avec au centre de cela une dette mal calculée et exagérée”, explique le directeur financier Christopher Magarian.
Un relèvement de la note de crédit de la Grèce par les agences de notation constituerait un autre signal fort pour les investisseurs.
Bien que Standard and Poor’s et DBRS aient relevé récemment leur notation, la dette de la Grèce est toujours notée B+, B3 et B par les trois principales agences, soit cinq à sept crans en dessous de la catégorie investissement.
A titre d’exemple, la note B3 apposée par Moody’s classe la Grèce au même rang que l’Angola, l’Egypte et l’Equateur.
Ces notations ont pour conséquence d’exclure le pays des principaux indices obligataires utilisés comme des références de marché par les investisseurs.
“La Grèce est un actif qui n’est pas dans un marché de référence des pays développés ni des pays émergents, ce qui en fait une sorte de ‘no-man’s land’ financier”, souligne Mark Dowding, gérant chez BlueBay Asset Management.
Pour intégrer l’indice Markit iBOXX EURO de la zone euro, dont la valeur de marché atteint plus de 6.000 milliards d’euros, la Grèce a besoin d’avoir au moins une notation moyenne de BBB. Cela pourrait prendre un certain temps, étant donné qu’il a fallu cinq ans au Portugal pour renouer avec la catégorie investissement.
Pour certains investisseurs toutefois, l’inclusion de la dette grecque dans les indices de référence est devenue moins importante que la notation en elle-même. Un relèvement de cette note pourrait suffire à les convaincre d’investir dans du papier émis par Athènes.