Après dix ans de croissance ininterrompue, la Banque centrale américaine a abaissé mercredi son principal taux d'intérêt pour la première fois depuis 2008, sur fond de reproches incessants de Donald Trump de ne pas stimuler assez la première économie du monde.
Citant les "incertitudes" sur l'économie mondiale et la faiblesse "persistante de l'inflation", la Fed a réduit les taux directeurs d'un quart de point de pourcentage pour les fixer dans la fourchette de 2% à 2,25%.
Mardi encore, Donald Trump avait réclamé une baisse des taux "forte".
Le Comité monétaire a laissé la porte ouverte à un nouveau geste affirmant qu'il agirait de "manière appropriée pour soutenir la croissance".
La Fed avait resserré le loyer de l'argent quatre fois d'un quart de point de pourcentage l'année dernière mais elle considére maintenant que la faiblesse de la croissance mondiale et que l'inflation résolument basse exigent une politique monétaire plus accommodante.
Malgré ce changement de direction monétaire, la description de l'activité économique par le Comité dans son communiqué a peu évolué par rapport à la dernière réunion il y a six semaines.
Les gains d'emplois restent "solides", la progression des investissements des entreprises est "molle" et l'inflation "demeure sous la cible de 2%".
La Réserve fédérale a aussi décidé d'arrêter, deux mois plus tôt que prévu, la réduction de son bilan et le délestage des bons du Trésor qu'elle détient.
Cette diminution de ses investissements dans les obligations d'Etat avait pour effet implicite de tirer légèrement les taux d'intérêt à la hausse, ce qui irritait notamment le président Donald Trump, prompt à se plaindre du renchérissement du coût du crédit.
Le bilan de la Fed devrait ainsi s'établir autour de 3.800 milliards de dollars au lieu de 4.500 milliards fin 2017 lorsque il était à son sommet lorsque la Banque centrale avait acquis massivement des actifs financiers pour doper la reprise.
Tout en défendant son indépendance, la Fed agit finalement dans le sens de ce que n'a cessé de réclamer le président Trump.
L'hôte de la Maison Blanche, qui brigue un deuxième mandat, veut des taux bas qui favorisent le consommateur, diminuent le coût de la dette et dopent le Dow Jones à Wall Street.
Encore lundi Donald Trump s'est plaint dans un tweet que "l'UE et la Chine vont à nouveau baisser les taux d'intérêt et injecter de l'argent dans leurs systèmes, ce qui facilitera la vente de leurs produits. En attendant, et avec une inflation très basse, notre Fed ne fait rien - et va sans doute faire bien peu en comparaison. Dommage !".
La décision de la Fed n'a pas fait l'unanimité au sein du Comité monétaire. Deux membres de la Fed se sont prononcés contre la décision, Esther George de la Fed de Kansas City et Eric Rosengren de celle de Boston. Ils auraient préféré maintenir les taux en l'état.
Plusieurs économistes craignent qu'une baisse des taux ne stimule indûment l'économie, en renforçant les risques d'une bulle financière, notamment du côté des emprunts des entreprises, ou en faisant resurgir l'inflation.
C'est la première fois, depuis que Jerome Powell est à la tête de l'institution depuis début 2018, que le Comité monétaire est si divisé.
Si l'inflation est stagnante à 1,4%, la croissance économie américaine est encore solide à 2,1% au 2e trimestre et le taux de chômage est proche de son plus bas niveau depuis cinquante ans (3,7%).
Onze ans après la crise financière, la Banque centrale américaine rejoint ainsi les autres grandes banques centrales du monde dans leur politique accommodante.
La Banque centrale européenne, qui a maintenu les taux à zéro, a ouvert la voie la semaine dernière à une série de remèdes anti-crise, allant d'une ou plusieurs baisses de ses taux à une possible reprise de ses rachats de dette, en brossant un tableau sombre des perspectives économiques en zone euro.
Quant à la Banque du Japon, elle continue de reconduire sa politique monétaire ultra-accommodante.
Les principaux indices de Wall Street se stabilisaient après s'être légèrement repliés dans le silage de la diffusion du communiqué de la Banque centrale américaine annonçant une baisse des taux directeurs: le Dow Jones Industriel Average reculait vers 18H25 GMT de 0,17% tandis que le Nasdaq était stable.
Le dollar prenait quant à lui 0,45% face à la devise européenne, à 1,1106 dollar pour un euro, contre 0,2% juste avant le communiqué.