Le Premier ministre chinois Li Keqiang (g) et son homologue bulgare Boïko Borissov. AFP
Belgrade, 10 avr 2019 (AFP) - Des mines, une usine sidérurgique, des centrales à charbon, des ponts, des autoroutes: la Chine investit dans les Balkans, suscitant l'inquiétude de l'Union européenne.
Longtemps, l'Occident a considéré la Russie comme son rival dans cette région fragile et pauvre du sud-est de l'Europe.
Mais la Chine est un nouvel acteur qui compte, décidée à investir dans cette région trop pauvre pour développer ses faibles infrastructures et soutenir son industrie en crise.
Certes, pour le moment, l'UE pèse 70% des investissements étrangers directs en Serbie, Bosnie, Monténégro, Macédoine du Nord, Albanie et Kosovo, un chiffre bien plus important que le 1% d'investissements chinois, selon des données de la Commission européenne pour la période entre 2007 et 2016.
Mais depuis six ans, les Chinois se montrent actifs, surtout par le biais de prêts à faible taux d'intérêt dont le montant leur a permis de rivaliser avec l'UE.
Smederevo, à l'est de Belgrade, accueille la plus grosse usine sidérurgique de Serbie, rachetée par les Chinois.
Ou plutôt "nos amis comme nous les appelons", dit l'ouvrier Zoran Matic. Il exprime sa gratitude au groupe HBIS d'avoir sauvé de la faillite son usine et ses quelque 5.000 ouvriers, en déboursant 46 millions d'euros.
"Les salaires tombent régulièrement. La ville s'est réveillée", dit son collègue Novica Djordjevic, sous le drapeau chinois hissé au-dessus la porte principale du site.
Deux ans avant l'arrivée des Chinois, l'Américain US Steel s'était retiré, vendant au gouvernement serbe, pour un euro symbolique, le site et ses dettes.
Aujourd'hui, un porte-parole de la compagnie annonce une production au vert et des revenus en hausse de 37%.
Une "success story" qui a incité le président serbe, Aleksandar Vucic à convaincre en 2018 les Chinois de reprendre la mine de cuivre de Bor, dans le sud.
Désormais, il les pousse à investir dans la technologie de pointe et se prend à rêver que son pays devienne un centre de développement de "voitures volantes"...
Porte d'entrée vers l'Europe du sud, les Balkans sont une pièce importante des "Nouvelles routes de la Soie" que la Chine entend bâtir pour développer ses exportations.
Au point de préoccuper Bruxelles. Le Commissaire à l'Elargissement, Johannes Hahn, exprime auprès de l'AFP ses "inquiétudes sur les effets socio-économiques et financiers que peuvent avoir les investissements chinois" dans cette région pauvre.
Il évoque le cas du petit Monténégro, où la dette publique a explosé jusqu'à atteindre 70% du PIB, après que le pays a contracté un emprunt de plus de 800 millions d'euros auprès d'une banque chinoise pour bâtir une autoroute dans ses montagnes.
Le spectre d"une "diplomatie de la dette" est brandi. "Ces investissements chinois arrivent souvent avec des liens", dit Johannes Hahn. Ce qui, selon le responsable, est de nature à mettre en péril l'objectif d'"améliorer la stabilité et le développement économique des Balkans".
Désargentés, les pays des Balkans n'ont guère accès aux marchés financiers européens et "ne sont pas en position de refuser l'argent...", dit toutefois Matt Ferchen, spécialiste de la Chine au centre de réflexion Carnegie-Tsinghua Center for Global Policy.
D'autant que ces fonds viennent sans obligations en terme de lutte contre la corruption, une des préoccupations de l'UE dans la région.
Les "Nouvelles routes de la Soie" seront un thème central du sommet "16+1" de Dubrovnik en Croatie vendredi, réunissant la Chine et les pays d'Europe centrale et orientale.
Entre 2007 et 2017, Pékin a annoncé un total de 12 milliards d'euros de prêts pour des projets de construction dans ces pays, dont un tiers pour la Serbie seule. La Bosnie suit (21%), puis le Monténégro, selon la Banque européenne d'Investissement.
La Chine est aussi un acteur très actif dans le domaine des centrales à charbon, cruciales pour la production d'électricité dans les Balkans, alors que l'UE s'emploie à convaincre les gouvernements de s'éloigner de cette industrie polluante.
Cela n'a pas dissuadé les députés bosniens d'accorder récemment une garantie publique de 100% pour un prêt de 614 millions d'euros accordé par une banque chinoise pour moderniser une centrale à charbon de Tuzla.
Les autorités européennes ont engagé des procédures arguant que les garanties de l'Etat bosnien violent les règles européennes à ce sujet. Mais ce prêt chinois est qualifié de "moment historique pour la Bosnie" par le Premier ministre de l'entité croato-bosniaque, Fadil Novalic. "Nous n'avons pas connu pareil investissement depuis quarante ans", a commenté le responsable.
UNITED STATES STEEL CORPORATION