PARIS (Reuters) - Après un premier semestre favorable aux actifs risqués, les investisseurs pourraient être tentés d’appuyer dans les prochains jours sur le bouton “pause” dans l’attente des réponses à trois questions décisives qui détermineront le sort des marchés financiers lors de la seconde partie de l’année.
Les intervenants de marché se demandent si un accord commercial entre les Etats-Unis et la Chine finira par voir le jour mais ils veulent aussi connaître la forme que prendrait une éventuelle baisse de taux par la Réserve fédérale et savoir si les bénéfices des entreprises au deuxième trimestre justifieront des valorisations élevées, en particulier aux Etats-Unis.
Tout est lié puisque les craintes d’une récession provoquée par le conflit commercial expliquent largement la posture accommodante adoptée par les banques centrales dont les largesses soutiennent les cours des actions, au risque de favoriser un retournement de marché si les résultats venaient à décevoir.
Du côté du commerce, la trêve décidée par les présidents américain et chinois au G20 a été accueillie comme une victoire sur les marchés. Les discussions devraient reprendre dans les jours qui viennent mais rien n’est réglé, comme l’administration américaine s’est chargée de le rappeler en dévoilant lundi une liste de produits européens susceptibles d’être taxés lourdement à leur entrée aux Etats-Unis.
Certains, comme Shamik Dhar, chef économiste de BNY Mellon IM, pensent qu’un accord entre Pékin et Washington interviendra au second semestre mais d’autres soulignent que le coeur du problème, à savoir le souci de Donald Trump de préserver la suprématie américaine face aux ambitions chinoises, n’est pas près de disparaître.
Si le calendrier sur ce front reste flou, il est beaucoup plus précis en revanche pour la politique monétaire puisque l’on sait que les prochaines décisions de la Banque centrale européenne et de la Réserve fédérale seront annoncées respectivement le 25 et le 31 juillet.
En attendant, les investisseurs écouteront attentivement ce que dira mercredi et jeudi le président de la Fed, Jerome Powell, à l’occasion de son audition semestrielle devant les deux chambres du Congrès.
UN DÉFI DE TAILLE POUR CHRISTINE LAGARDE
L’annonce, vendredi, de créations d’emploi supérieures aux attentes aux Etats-Unis en juin n’a pas fondamentalement changé la donne puisque la croissance des salaires reste poussive, sans parler d’autres signaux suggérant un ralentissement de la première économie du monde.
Le marché évalue toujours à 100% la probabilité d’une hausse de taux à la fin du mois, avec toutefois une majorité désormais écrasante misant sur un abaissement de seulement 25 points de base de l’objectif des “fed funds”, selon le baromètre FedWatch de CME Group.
S’il n’exclut pas une baisse des taux aux Etats-Unis avant la fin de l’année, voire dès la fin du mois, Shamik Dhar a du mal à comprendre ceux qui en anticipent jusqu’à trois.
“Le marché obligataire n’a jamais été très bon pour prédire les baisses de taux”, dit-il. “Il a l’air de penser qu’une récession est au coin de la rue mais ce n’est pas notre avis.”
Les banques centrales resteront dans l’actualité dans les jours à venir avec, outre les interventions de Jerome Powell, la publication des comptes rendus des dernières réunions de la Fed, mercredi, et de la Fed, le lendemain.
La BCE, qui a déjà fait savoir qu’elle serait aussi accommodante que nécessaire, sait maintenant que Christine Lagarde devrait succéder à Mario Draghi, dont le mandat de président expire fin octobre.
L’actuelle directrice du Fonds monétaire international se retrouvera “face à un défi considérable”, selon William De Vijlder, chef économiste de BNP Paribas.
Comme la Fed, la BCE peine à résoudre le mystère de l’inflation, qui refuse de décoller malgré un marché du travail tendu et des salaires en augmentation.
L’institution de Francfort dispose en outre d’une marge de manoeuvre limitée, ce qui l’oblige à déterminer avec soin le calendrier des mesures de soutien qu’elle souhaite mettre en oeuvre, fait valoir l’expert de la banque française.
LES BÉNÉFICES DANS LE VISEUR
Sur les marchés, la posture accommodante des banques centrales contribue à soutenir les actifs risqués, notamment aux Etats-Unis, où le S&P 500 évolue à un plus haut historique alors que le cycle d’expansion économique vient d’entrer dans son 121e mois, ce qui en fait le plus long de l’histoire.
Dans ce contexte de valorisations tendues, il faudra bien étudier les résultats des entreprises américaines au deuxième trimestre, qui tomberont à partir de la mi-juillet.
Ils sont attendus en très légère baisse (-0,005% sur un an), selon les données Refinitiv, ce qui marquerait leur premier repli trimestriel depuis 2016.
Il faudra surtout surveiller les prévisions de bénéfice, prévient Kristina Hooper, responsable de la stratégie de marché globale chez Invesco.
“Nous avons un moteur puissant avec la Fed mais beaucoup dépendra de facteurs extérieurs”, dit-elle. “Nous voyons déjà des prévisions à la baisse pour le troisième trimestre, ce qui n’est pas vraiment surprenant.”
La hausse des actions depuis le début de l’année est un peu en trompe-l’oeil, avec une forte connotation défensive et des volumes réduits, souligne Catherine Garrigues, directrice de la stratégie actions Europe pour Allianz GI.
“Les flux sont très faibles”, dit-elle. “C’est une hausse sans conviction et sans volume, qui s’explique notamment par le fait qu’il n’y a rien à acheter ailleurs.”
La suite, selon elle, dépendra de la politique monétaire.
“Si les taux demeurent très bas pendant longtemps, il est probable que la forme actuelle des marchés d’actions puisse perdurer”, dit-elle.
LES RENDEMENTS SOUS PRESSION
Si les actions montent plutôt mollement, les obligations d’Etat, par contre, s’envolent, notamment la dette souveraine de la zone euro, avec des rendements des emprunts d’Etat allemand et français à 10 ans qui évoluaient à des plus bas historiques avant de remonter nettement vendredi dans le sillage de la publication des chiffres de l’emploi aux Etats-Unis.
“Il n’est pas impossible que ces rendements continuent de baisser”, estime Wolfgang Bauer, gérant obligataire chez M&G. “Cela nécessiterait alors des mesures décisives de la part des banques centrales de chaque gouvernement. Mais aux niveaux de rendement actuels, une politique très accommodante en matière de politique monétaire est déjà pleinement prise en compte et il est fort possible que les banques centrales n’aillent pas aussi loin que le marché l’espère.”
En attendant, la chute des rendements réveille chez certains la peur d’une récession. Pas chez Shamik Dhar (BNY Mellon IM) qui voit, dans son scénario le plus optimiste pour 2019, la Fed maintenir ses taux d’intérêt à leurs niveaux actuels et la croissance ralentir sans disparaître.
“La situation n’est pas idéale, il y a des risques qui augmentent mais, fondamentalement, ça va, on peut rester investi sur les actifs risqués”, dit-il. “Globalement, il y a bien un ralentissement mais ça n’a rien à voir avec 2008.”