La Banque centrale européenne devrait de nouveau relever jeudi ses taux directeurs face à une inflation jugée encore trop élevée, en dépit de la grogne dans certains pays contre le risque d'affaiblir l'économie.
Un an après avoir lancé le cycle de relèvement des taux le plus rapide de leur histoire, les gardiens de l'euro gardent le cap, même si le pic semble se rapprocher.
La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a déjà annoncé en juin une "très probable" nouvelle hausse pour la réunion de jeudi de son conseil des gouverneurs.
"Pratiquement tout le monde s'attend à une augmentation de 0,25 point de pourcentage", comme en juin, a déclaré Joachim Nagel, directeur de l'influente banque centrale allemande, la semaine dernière.
Cela porterait le taux de dépôt des liquidités bancaires à la BCE, qui fait référence, à 3,75%.
Et ensuite ? L'intérêt de la réunion "va plutôt porter sur les indications que la BCE pourrait donner sur l'orientation future de la politique monétaire", selon Eric Dor, directeur des Études économiques de l'IESEG School of Management. Avec la réunion de septembre en ligne de mire.
Pour lutter contre une inflation record en zone euro suite à la reprise post-pandémie puis l'éclatement de la guerre russe en Ukraine, la BCE a depuis juillet dernier remonté ses taux directeurs à une vitesse inédite, les relevant de 400 points de base en un an.
Cette politique renchérit le coût auquel entreprises et ménages empruntent, ce qui doit amener une baisse de la demande et donc de l'activité économique.
L'espoir de la BCE est que cela réduise la capacité des entreprises et commerces à augmenter les prix, tout en modérant les revendications salariales.
L'institution se sent pressée d'enfoncer encore le clou car, hors énergie, la ralentissement de la croissance des prix est encore très limité.
D'un record de 7,9% en mars 2023, l'agrégat (indicateur utilisé par la BCE pour l'inflation) a timidement baissé à 6,9% en juin 2023.
Cela fait dire à l'envi à Mme Lagarde que la BCE a encore "du chemin à parcourir" pour peser sur les prix.
La BCE se décidera jeudi au lendemain de la Fed américaine, qui devrait annoncer une nouvelle hausse de taux, la onzième depuis mars 2022, après avoir observé une pause en juin.
Les données récentes montrent que la politique de la Fed est en train de calmer l'inflation sans provoquer de hausse du chômage.
Néanmoins, en zone euro, la politique monétaire restrictive passe de plus en plus mal auprès de certaines économies européennes fragiles.
De nouvelles augmentations de taux induisent des risques "plus élevés de créer une situation plus difficile pour la croissance au niveau européen", a déclaré mi-juillet le ministre des Finances du Portugal Fernando Medina.
Avant lui la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni avait critiqué fin juin la "recette simpliste" de la BCE consistant à augmenter les taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation, craignant que "le remède se révèle plus dommageable que la maladie".
Les banquiers centraux en zone euro ont l'inflation comme boussole et "les coûts si on fait trop peu" sur les taux "continuent d'être plus élevés que les coûts si on fait trop", rétorque Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE.
Même son de cloche chez le président de la Banque centrale d'Allemagne Joachim Nagel, "faucon" adepte d'un cap monétaire rigoureux, selon qui l'inflation est "une bête avide" et "relâcher la lutte trop tôt (serait) une erreur".
Son homologue de la Banque des Pays-Bas, Klaas Knot, est plus mesuré, croyant lui qu'une nouvelle hausse des taux en septembre est "au mieux, une possibilité, mais certainement pas une certitude".
Une hausse en juillet devrait suffire et un nouveau resserrement pourrait "nuire à l'économie", prévient quant à lui le gouverneur de la Banque de Grèce Yannis Stournaras, "colombe" favorable à une politique monétaire plus laxiste.