Cet avis fait suite à la décision du Conseil de la concurrence n° 2022-D-04 du 25 avril 2022, par laquelle il s’est saisi d’office de l’étude de l’impact de la flambée des prix des intrants et des matières premières au niveau mondial sur le fonctionnement concurrentiel des marchés nationaux, notamment les produits énergétiques.
Cette décision intervient dans une conjoncture où les prix de vente des carburants (gasoil et essence) à la pompe sur le marché national ont atteint des niveaux records au cours des premiers mois de l’année de 2022.
Ainsi, l’objectif principal assigné à cet avis est, dans un premier temps, de répondre à la question de savoir si les hausses des prix de vente du gasoil et de l’essence sur le marché national sont oui ou non corrélées avec les cours et les cotations de ces matières sur le marché mondial et, dans un second temps et en fonction des réponses obtenues, d’analyser l’impact de ces hausses sur la situation de la concurrence dans les marchés concernés.
Le diagnostic réalisé et l’analyse du fonctionnement concurrentiel des marchés de ces produits, de la structure de leurs prix de vente, des marges réalisées par les opérateurs actifs sur ces marchés, ainsi que leurs rentabilités a permis d’aboutir aux conclusions ci-après.
a. Un marché très encadré par une règlementation devenue obsolète en dépit de la libéralisation des prix de vente du gasoil et de l’essence sur le marché national
b. Un marché totalement dépendant des importations de l’étranger et dont les volumes sont en constante augmentation.
c. Une forte concentration au niveau des marchés de l’importation et du stockage dont le niveau se situe généralement au-dessous du seuil prévu par la réglementation.
d. Un réseau de distribution du gasoil et de l’essence en forte croissance et un niveau de concentration élevé sur le marché de la distribution de ces produits.
e. Des cotations mondiales du pétrole brut et des produits raffinés (gasoil et essence) en forte hausse depuis le début du 2ème semestre de 2021.
f. Une forte corrélation entre les cours du baril de pétrole brut, les cotations des produits raffinés et les prix de vente sur le marché national durant les années 2018 et 2019.
g. Un affaiblissement de la corrélation entre les cours du baril de pétrole brut, les cotations des produits raffinés et les prix de vente sur le marché national durant les années 2020 et 2021 ainsi que les quatre premiers mois de l’année 2022.
h. Une répercussion immédiate des hausses des cotations à l’international et décalée dans le temps en cas de baisses.
i. Une structure de prix de vente composée principalement des prix d’achat du gasoil et de l’essence à l’international et des taxes prélevées par l’Etat.
j. Une composante fiscale du prix du gasoil et de l’essence qui diminue proportionnellement à la hausse de leurs prix à l’international.
k. Une marge brute de distribution très fluctuante avec un poids relativement faible dans la composition du prix de vente à la pompe.
l. Des niveaux de marge brute de distribution élevés en 2020 et 2021, période qui a enregistré la chute des cours du pétrole brut et des cotations des produits raffinés à l’international.
m. Un niveau de marge nette (gasoil et essence) oscillant entre un minimum de 0,07 DH/l et un maximum de 0,68 DH/l durant la période (2018-2021).
n. Une activité de distribution des carburants attractive au vu des taux de rentabilité financière très élevés qu’elle permet de dégager.
Recommandations
Les analyses menées dans le cadre de cet avis et les conclusions qui en découlent, permettent d’émettre un certain nombre de recommandations visant essentiellement à rendre les marchés du gasoil et de l’essence plus concurrentiels et ce, en tenant compte de la réalité économique structurelle de ces marchés et de celle de l’économie du pays qui n’est pas un producteur du pétrole.
C’est une caractéristique fondamentale, qui sous-tend l’ensemble des propositions qui sont énumérées ci-dessous, et qui visent à rendre ces marchés plus transparents et contestables, c’est-à-dire mieux ouverts à une concurrence réelle par les prix entre les opérateurs de ces marchés. Il s’agit de l’une des meilleures voies qui est à même de garantir un approvisionnement régulier des marchés en ces produits à des prix économiquement raisonnables.
a. Revoir d’urgence, en priorité et en profondeur le cadre et le mode de régulation de ces marchés.
b. Assouplir davantage les conditions d’accès aux marchés du gasoil et de l’essence en amont et en aval en accélérant la mise en œuvre des recommandations émises par le Conseil en 2019.
c. Revoir le cadre légal et réglementaire régissant les relations contractuelles entre les sociétés de distribution et les stations-service.
d. Encourager les opérateurs des marchés du gasoil et de l’essence à utiliser les instruments de couverture des risques.
e. Etudier l’opportunité de maintenir et de développer une activité de raffinage au Maroc.
f. Etendre le régime fiscal appliqué actuellement aux secteurs protégés, au marché de la distribution des produits pétroliers tout en instaurant une taxe exceptionnelle sur les surprofits des sociétés d’importation, de stockage et de distribution du gasoil et de l’essence.
g. Ecarter tout retour éventuel à la subvention directe de ces produits et instaurer en lieu et place des aides directes aux populations les plus vulnérables et des allégements fiscaux adéquats au profit des classes moyennes.
h. Accélérer la mise en œuvre de la stratégie de la transition énergétique