Intervenant à l'occasion, Ghita Benider, responsable Bourse chez BMCE Capital Research, a dressé un diagnostic exhaustif de la pratique de la communication financière dans le Royaume.
Opérant sur le marché depuis plusieurs années, elle a pu assister à l'évolution des pratiques chez les émetteurs. Selon elle, à ce jour, quelque 32% des publications se font en IFRS. Mais l'information diffusée mérite d’être enrichie. «La majorité des sociétés publie seulement le bilan et le CPC, et les états financiers des sociétés cotées, hors banques, ne comprennent pas généralement d'annexes détaillées aussi bien en social qu'en consolidé», déclare-t-elle devant un public d'émetteurs et de chargés de consolidation chez les entreprises.
Intervenant un peu plus tard dans la table ronde, Zineb Guennouni, expert-comptable à l'AMMC, assure que les annexes détaillées et enrichies seront désormais demandées aux émetteurs.
Un autre constat relevé par Ghita Benider concerne le déphasage entre les états financiers semestriels et annuels, les premiers ne comprenant pas les mêmes états que les comptes annuels.
«A titre d'exemple, je peux citer le TFT, l'ESG pour les sociétés industrielles ou l'état des placements Tableau D4 pour les compagnies d'assurances», explique-t-elle.
Autre constat majeur : 22% des sociétés cotées publient leurs comptes les derniers jours des délais réglementaires, proportion qui atteint 30% pour les semestrielles. Ghita Benider souligne également que les conférences de presse ne sont pas tenues de manière régulière par les émetteurs.
Satisfaction après la première application de la circulaire
L'analyste s'est dite «globalement satisfaite» des publications trimestrielles car elles ont donné une meilleure visibilité sur les principaux agrégats. Selon elle, une certaine confusion a été observée sur les indicateurs du deuxième trimestre avant le constat d'une plus grande homogénéité au troisième trimestre. Khalid Raji, secrétaire général de l'AMCF, explique la confusion du T2 par le timing d'entrée en vigueur, qui a surpris certains émetteurs, notamment ceux qui constituent leur chiffre d'affaires difficilement, dans le BTP et l'immobilier notamment.
Sur un plan plus général, Ghita Benider salut l'instauration des prospectus par la nouvelle circulaire de l'AMMC et qui rend l'information fournie en marge des opérations financières plus exhaustive que ce qu'elle l’était avec les notes d'information.
Des pistes à investir
Pour améliorer la communication financière des émetteurs, Ghita Benider propose l'harmonisation des publications trimestrielles, notamment les informations relatives à l'endettement et au Capex pour avoir une même base, et rajouter, au niveau des publications trimestrielles des entreprises, des agrégats relatifs à l'exploitation, comme l'EBE. L’autre proposition consiste à diffuser un calendrier de publications sur le site Internet des sociétés en début d'année. Pour le moment, quelques émetteurs le font et Karim Hajji a déclaré que la Bourse travaille sur un projet de centralisation des calendriers des émetteurs.
Sur un plan plus qualitatif, l'analyste propose d'enrichir les communiqués de presse, avec de l'information sectorielle par exemple.
Ghita Benider a exprimé sa conviction sur le rôle de la communication financière dans la valorisation des entreprises : complète, disponible et accessible, elle influence sur le «Bêta» des entreprises et renforce mécaniquement leurs valorisations.
L'AMMC à l'écoute du marché
Bouchra Falaki, chef de service gouvernance et affaires comptables à l'AMMC, a pris part à cette conférence pour répondre aux différentes questions opérationnelles des émetteurs.
Il faut dire que l'AMMC a multiplié les rencontres depuis la publication de la circulaire mais certaines questions persistent. La responsable assure que l'Autorité du marché est à l'écoute des remarques du marché. Selon elle, le plus grand challenge reste la publication des résultats annuels 2019 qui montreront une panoplie de nouveautés dans la communication financière avec les rapports financiers annuels et les rapports ESG, des documents publics qui permettront à la communauté des investisseurs d'avoir de nouvelles informations sur les émetteurs.
Mais, pour Bouchra Falaki, la réussite de cette réforme n'est pas uniquement une question d'exigences réglementaires. Il faut que les émetteurs s'inscrivent dans une logique de transparence et qu'ils prennent conscience que c'est la communication continue qui leur permet de continuer à être accompagnés par les investisseurs, notamment en périodes de crise.
A.H