Abderrahim Bouazza a commencé par retracer l'évolution du secteur des paiements au Maroc. Grâce à un réseau bancaire étendu, plus de la moitié de la population adulte est désormais bancarisée. Toutefois, l'accélération de la digitalisation entraîne la fermeture de nombreuses agences physiques. En parallèle, de nouveaux acteurs non bancaires tels que les opérateurs de télécommunication, les fintechs et les filiales d'entreprises de grande distribution ont émergé, jouant un rôle crucial dans l'inclusion financière de millions de personnes précédemment non bancarisées, explique-t-il.
La modernisation des paiements au Maroc a été rendue possible par des technologies avancées telles que le QR code, la NFC, la tokenisation des données et la biométrie. Les comportements de paiement de nombreux Marocains évoluent, avec une augmentation notable des paiements numériques, qui ont connu une croissance annuelle moyenne de 19% ces dernières années, dépassant la moyenne mondiale de 13%.
Néanmoins, le cash reste largement préféré par la majorité des Marocains, malgré l'introduction de paiements mobiles, de paiements sans contact et de virements instantanés. Actuellement, seuls 10% des utilisateurs activent les paiements mobiles, et l'utilisation des cartes bancaires pour les transactions numériques reste limitée à 30%.
Une vision stratégique en trois axes
Pour inverser cette tendance et favoriser l'essor du paiement numérique, BAM mise sur trois leviers principaux :
Stimuler l'innovation et la compétitivité: L'institution met l'accent sur une plus grande ouverture aux startups et fintechs. L'objectif est de développer des solutions de paiement innovantes, réduire les coûts et diminuer l'utilisation du cash. Bank Al-Maghrib collabore déjà avec CDG Invest pour accompagner les promoteurs de solutions financières et prévoit d'élargir ces partenariats.
Adapter le cadre réglementaire: Bank Al-Maghrib prône une régulation équilibrée, basée sur le principe "même activité, même risque, même réglementation". Elle régule les modalités d'usage plutôt que la technologie elle-même. Des initiatives sont en cours pour encadrer les cryptoactifs par une loi et développer un cadre juridique pour l'Open Banking, permettant une meilleure intégration de la finance et du digital.
Intégration régionale: La BC travaille à l'intégration du système de paiement marocain dans son environnement régional. Des connexions ont été établies avec le système de règlement transfrontalier de la région des pays arabes (BUNA) et des collaborations sont en cours avec d'autres banques centrales du continent africain. Une interconnexion avec le système européen de paiement instantané (TIPS) est également à l'étude.
Sécurité et éducation: Des priorités essentielles
La transformation digitale accroît les risques de cyberattaques et de fraudes. Pour y faire face, Bank Al-Maghrib édicte des directives pour renforcer la résilience des établissements bancaires et mène des programmes d'éducation financière et numérique. Une coordination nationale et internationale est cruciale pour lutter efficacement contre ces menaces.
Enfin, la Banque examine la possibilité d'émettre une monnaie digitale de banque centrale (CBDC). Après une première phase exploratoire en 2021, une preuve de concept est en cours avec l'assistance technique de la Banque Mondiale et du FMI. Ce projet promet de transformer le futur des paiements au Maroc.