Les facilités opérées depuis le début des années 2000 au niveau de la règlementation des changes ont eu un effet accélérateur sur les investissements marocains à l’étranger. Pour preuve, jamais les entreprises marocaines n’ont autant investi à l’étranger qu’en 2021. Ce sont près de 18 milliards de DH qui ont été mobilisés en investissements par le Maroc, en hausse de 10 milliards de DH comparativement à l’année d’avant (2020), selon les dernières statistiques de l’Office des changes. Un record.
L’investissement à l’étranger est en effet source de croissance pour les entreprises et levier de croissance pour le pays. D’ailleurs, le Maroc est en train de se pencher sur la charte d’investissement qui prévoit le déploiement d’un dispositif pour accompagner les IDME.
Lors d’un webinaire organisé par IFC, filiale de la Banque mondiale, Ghita Hannane, Country Officer Maroc de la SFI, a indiqué qu’«il y a actuellement 1.500 PME marocaines opérant en Afrique subsaharienne, et l’IFC a pour ambition d’accompagner ces champions dans leur investissement. L’intégration régionale fait partie de notre stratégie au Maroc. Pour l’année 2022, nous allons engager plus de 340 millions de dollars, que ce soit en financement ou en prise de participation pour accompagner d‘autres acteurs dans différents secteurs dans leur expansion en Afrique».
Après avoir rappelé l’évolution des investissements directs marocains à l'étranger (IDME) entre 2016 et 2020, avec une moyenne annuelle oscillant entre 8 et 12 milliards de DH, Driss Bencheikh, secrétaire général de l’Office des changes, a pour sa part souligné que «par région, l’Afrique s’accapare la part du lion avec 64% en 2019 contre 36% pour le reste du monde. En 2020, année de crise, la tendance est confirmée, puisque sur les 8 milliards de DH investis, 5,5 milliards de DH sont tournés vers l’Afrique et 2,5 milliards de DH vers le reste du monde».
En termes de rendement, les chiffres présentés montrent bien que l’investissement à l’étranger a un impact positif sur l’économie marocaine. En effet, «durant les 5 dernières années (2016-2020), le retour sur investissement est en moyenne de 2 et 2,5 milliards de DH pour un investissement sortant de près de 8 milliards de DH. En termes de pourcentage, c’est entre 17% à 30%», annonce D. Bencheikh.
Sans doute, le volume d’investissements serait amené à croître durant les prochaines années, au fur et à mesure que la réglementation de change marocaine devienne encore plus souple. Il faut rappeler qu’en 2022, l'OC a poursuivi ses efforts d'assouplissement et de libéralisation en procédant au relèvement à 200 MDH du plafond autorisé pour tout investissement marocain à l’étranger, et ce quelle que soit la juridiction. Une aubaine pour qui souhaite investir dans les marchés qui offrent toujours des rendements alléchants.
«Le relèvement du plafond des investissements marocains à l'étranger à 200 millions de dirhams vise à encourager les entreprises marocaines à s’ouvrir sur l’international, à explorer de nouveaux horizons, à conquérir de nouveaux marchés et à contribuer, in fine, au rayonnement du Royaume sur la scène internationale», nous expliquait Hassan Boulaknadal, Directeur général de l’Office des changes, dans un entretien en début d’année.
Par ailleurs, durant la dernière décennie, les revenus des IDME ont dépassé les 3 milliards de dollars, constitués à hauteur de 64% de dividendes et de 36% de profits réinvestis. Cette structure est similaire à la moyenne mondiale, alors que les pays émergents et en développement observent une configuration inverse, avec une part des réinvestissements de 58%. Rapportés à leur stock, les bénéfices des IDME représentent un rendement de 6,2%, niveau supérieur à la moyenne de 4% réalisée par les pays émergents et en développement, et proche des 6% enregistrés au niveau mondial.
Le développement des investissements directs à l’étranger peut parfois susciter des inquiétudes concernant la mobilisation d’une partie de l’épargne nationale vers d’autres pays. Cette question se pose particulièrement pour les pays en développement ayant un besoin d’investissement important en infrastructures et une épargne nationale relativement faible. Au Maroc, l'analyse du ratio des investissements directs à l’étranger rapporté à l’investissement national (FBCF), qui renseigne sur un éventuel effet d’éviction, montre qu’il demeure faible, oscillant autour de 1,7% en moyenne entre 2008 et 2017. Il reste par ailleurs largement inférieur aux niveaux observés pour les pays émergents (4,8% en moyenne) et pour les économies avancées (11%), selon Bank Al-Maghrib.
Retour sur l’expérience de Wafacash en Afrique
Samira Khamlichi, ex-PDG de Wafacash et experte internationale en finance inclusive, paiement mobile & transformation digitale, partage l’expérience de la filiale du Groupe Attijariwafa bank lors de ses différentes implantations dans le marché africain. Témoignage. «Appartenant au Groupe Attijariwafa bank largement présent en Afrique, Wafacash a démarré la réflexion de l’investissement en 2014. L’idée de départ : nous sommes une référence au Maroc, la brand est connue, comment pouvons-nous faire pour partager notre expérience dans des pays où nous pourrions apporter de la valeur ajoutée au consommateur ? À partir de là, nous sommes allés vers le régulateur marocain pour avoir son aval, avant d’aller vers ceux des régions d’implantation pour leur expliquer notre business model et voir quel type d’agrément nous pouvions avoir. Lors de notre première expérience au Sénégal (zone UEMOA), nous avons obtenu un agrément régional. Cela nous a pris une bonne année pour nous mettre d’accord avec le régulateur et obtenir notre agrément. C’était d’ailleurs la première fois qu’il octroie un agrément d’établissement financier à caractère bancaire au niveau de la zone UEMOA. La deuxième expérience au Cameroun était plus rapide, puisque nous avons appris de nos erreurs. Cela nous a grosso modo pris 6 mois pour nous installer et obtenir notre agrément pour toute la zone CEMAC. Lors de ces deux expériences, nous avions tout à construire : trouver les réseaux, développer notre business, répondre au besoin du consommateur et lui apporter quelque chose de nouveau. Une fois que nous avons appris de ces deux zones (UEMOA/ CEMAC), nous sommes partis investir le Maghreb pour recréer la même chose en Tunisie. Une filiale qui va démarrer dans pas longtemps et qui va permettre de pouvoir mettre en avant une brand déjà connue au Maroc (Wafacash : ndlr). Le dernier investissement que nous avons initié en 2021 est un partenariat avec un opérateur français pour du transfert d’argent à partir de toute l’Europe vers tous les pays de présence de la société. C’était une belle histoire où nous devions nous comprendre mutuellement avec les régulateurs des pays étrangers. En même temps, nous avions une logique d’investissement de mise en place d’une marque qui permet au client d’un pays ou un autre de se retrouver»