Paradoxalement, les tempêtes économiques mondiales peuvent parfois créer des havres de stabilité. À l’heure où les tensions commerciales entre les États-Unis et leurs principaux partenaires atteignent des niveaux inédits depuis des décennies, certains pays semblent flotter au-dessus de la mêlée. Le Maroc, discret mais stratégique, pourrait bien faire partie de ces rares gagnants d’une guerre qui ne dit pas son nom.
L’annonce des tarifs douaniers instaurés par l’administration Trump ravive les tensions sur les marchés mondiaux. L’Europe, la Chine ou encore le Canada sont en ligne de mire. Aujourd’hui encore, les marchés sont repartis à la baisse après la confirmation par la Maison Blanche de droits de douane de 104 % sur certains produits chinois et la riposte annoncée par ce dernier.
À chaque déclaration offensive ou rumeur d’escalade, les Bourses mondiales vacillent, les investisseurs fuient les actifs risqués, et les analystes révisent à la baisse leurs prévisions de croissance.
Mais dans ce climat de crispation, le Maroc fait figure d’exception. Ni directement concerné par les représailles commerciales, ni exposé de manière significative aux exportations américaines, le Royaume se trouve dans une zone tampon, à bonne distance de l’épicentre. Une position qu’il pourrait même mettre à profit pour attirer des IDE et se positionner comme hub régional tourné vers les États-Unis.
En attendant, le Maroc pourrait déjà tirer avantage de la situation, même à court terme.
« Une analyse détaillée des chaînes d’approvisionnement montre que les hausses de coûts induites par les tarifs américains sur certains biens (composants électroniques, agroalimentaire, pièces détachées) ne devraient qu’effleurer le consommateur marocain », nous explique un analyste en banque d’affaires. Selon lui, l’étude des transmissions commerciales montre que les produits les plus touchés par les hausses tarifaires ne figurent pas parmi les importations les plus sensibles au Maroc. Et dans les rares cas où cela pourrait provoquer une pression sur les prix – comme pour certains intrants industriels ou denrées agricoles – l’effet devrait être contenu, voire annulé par des facteurs compensatoires, poursuit notre source.
En premier lieu, la baisse récente des prix de l’énergie, notamment du pétrole brut et du gaz, est une aubaine pour l’économie marocaine. Le panier de consommation nationale étant fortement exposé à l’énergie, cette détente agit comme un amortisseur naturel face à toute poussée inflationniste externe.
Ajoutons à cela que les produits stratégiques comme les médicaments ou certains matériaux critiques sont exemptés des hausses tarifaires. Ce sont autant de signaux rassurants qui laissent penser que le Maroc n’a pas à redouter une flambée des prix à court terme.
Une Bourse volatile… mais pleine d’opportunités
La réaction des marchés financiers à cette guerre commerciale est brutale. Les corrections s’enchaînent, alimentées par la crainte d’une récession mondiale et de poussées inflationnistes.
Mais faut-il pour autant fuir le marché actions marocain ? Pas nécessairement, nous dit notre expert.
« Pour les investisseurs avertis, ces phases d’instabilité sont aussi des moments de repositionnement stratégique », explique-t-il. Et d’ajouter : « Certaines valeurs ont été injustement sanctionnées dans un mouvement de repli global, ouvrant la voie à des points d’entrée attractifs sur des titres de qualité. »
Dans ce contexte, les valeurs défensives reprennent tout leur sens. Ce sont ces entreprises dont l’activité est peu sensible au cycle économique et qui continuent de générer des revenus stables quelles que soient les circonstances. Et au Maroc, plusieurs titres cochent ces critères : Télécoms et Santé notamment.
D’autres secteurs, pour lesquels l’énergie constitue une part importante des charges de fonctionnement – comme le ciment ou le BTP – pourraient également bénéficier de la détente sur les prix du pétrole et du gaz.
En toile de fond : un soutien monétaire possible
Un autre élément clé renforce la perspective positive pour la Bourse : la politique monétaire. En cas de confirmation d’un ralentissement mondial induit par les tensions commerciales, les grandes banques centrales pourraient adopter des postures plus accommodantes. Bank Al-Maghrib ne devrait pas échapper à cette logique, d’autant plus que la baisse des prix de l’énergie constitue un facteur encourageant.
Déjà engagée dans un cycle de détente monétaire, BAM pourrait poursuivre sur cette trajectoire en 2025. Une baisse des taux renforcerait mécaniquement la valorisation des actions – en réduisant le taux sans risque – et faciliterait le financement des grands projets nationaux, notamment ceux liés à la Coupe du Monde 2030.
D’ailleurs, si les investisseurs anticipaient jusqu’à récemment une baisse de 25 points de base du taux directeur en 2025, de plus en plus d’opérateurs misent désormais sur une baisse de 50 points de base. Une perspective qui profiterait également aux titres de croissance, qui ont subi d’importantes prises de bénéfices ces dernières séances, ramenant leurs valorisations à des niveaux attractifs.
Le Maroc apparaît ainsi comme un point d’ancrage dans une mer agitée. Ni confronté à une envolée des prix, ni pris dans une spirale de relocalisation chaotique des chaînes d’approvisionnement, le pays tire avantage de sa relative déconnexion des circuits sous tension. Sa relation équilibrée avec les grandes puissances, notamment les États-Unis, lui offre une marge de manœuvre précieuse.
Cela ne signifie pas que le Royaume est totalement à l’abri. Mais dans une guerre commerciale où chaque pays défend ses intérêts avec plus ou moins de brutalité, le Maroc dispose d’un bouclier naturel, renforcé par une politique économique mesurée, une inflation maîtrisée et un environnement monétaire favorable.
Dans ce contexte, la correction boursière actuelle doit être perçue non comme une menace, mais comme une fenêtre d’opportunité. Pour ceux qui savent lire entre les lignes, l’heure n’est pas à la panique, mais au repositionnement.