• Le retour de la corrélation positive actions/obligations pose un problème aux gestionnaires.
• Pour certains stratégistes, cette synchronisation pourrait perdurer sur le long terme.
La corrélation entre actions et obligations est un aspect central dans l’univers de composition et de gestion de portefeuilles. De manière générale, lorsque les actions accusent le coup, les obligations résistent et maintiennent la profitabilité du portefeuille à flot. À contrario, quand les actions progressent, les obligations faiblissent et s’estompent en arrière-plan. Cette corrélation inverse (ou négative) a permis aux marchés financiers de supporter les mouvements brusques au cours des 20 dernières années.
Le retour de l’inflation et la politique plus restrictive des Banques centrales ont toutefois mis fin à cette règle. L'an dernier, les actions et les obligations ont subi des chocs réguliers et simultanés. Un fort repli concomitant des deux grandes classes d'actifs constituant une rupture dans la vie des marchés depuis plusieurs années. Ce nouveau régime pourrait, selon certains, perdurer au cours des prochaines années, à la baisse comme à la hausse...
«Les investisseurs ont rarement observé une inflation aussi élevée mais aussi volatile. Cela signifie pour le marché une modification du régime long terme de la corrélation actions-obligations», a indiqué Tristan Perrier, Macro economist et Investment Insight Specialist chez Amundi, lors d’une conférence sous le thème «Investir en temps d'inflation», organisée par Attijariwafa bank Corportate & Investement Banking et Wafa gestion.
Tristan Perrier a détaillé qu’«une inflation élevée et volatile signifie une corrélation positive entre les actions et les obligations. Car dans les modèles de valorisation des deux classes d’actifs, le paramètre inflation anticipée pèse beaucoup dans le dénominateur de certaines formules. C’est un élément commun aux actions et aux obligations, qui fait qu’une proportion de ces deux classes d’actifs a bougé en même temps».
Au Maroc, cette corrélation est encore marquée puisque l’inflation est à son pic (8,3% en décembre). On l’a constatée d’ailleurs sur les performances des fonds en 2022. Ce n’est plus le cas en Europe ou aux États-Unis où la hausse des prix emprunte désormais une trajectoire baissière.
Pour Perrier, «le retour d’une inflation élevée et volatile est un facteur qui pourrait pousser à ce que les corrélations soient davantage positives, posant ainsi un problème en termes de gestion (surtout quand la corrélation se fait à la baisse : ndlr)». C’est d’ailleurs ce qui s’est passé en 2022 avec des performances de fonds diversifiés 60/40 (60% en actions et 40 en obligations) qui étaient parmi les plus faibles enregistrées lors des dernières décennies. Idem pour les fonds 50/50 qui ont connu les performances les plus faibles depuis les années 1920.
Il faut aussi nuancer qu’à court terme la corrélation entre les deux classes d’actifs est très instable, a précisé l’expert. À long terme, cela dépend de l’inflation et de sa volatilité. D’ailleurs, selon certains stratégistes, les marchés actions et obligataires n’ont plus de raison d’évoluer à nouveau de manière désynchronisée à long terme, comme ce fut le cas entre 2000 et 2020.
En somme, cette interdépendance tendra à s’estomper à mesure que l’inflation commence à ralentir et que les opérateurs auront plus de visibilité sur l’orientation des taux et sur les intentions de la Banque centrale sur sa politique monétaire. Dit autrement, lorsque les taux des Banques centrales deviendront plus stables, la corrélation entre les actions et les obligations deviendra beaucoup plus faible.