Les investisseurs scrutent semaine après semaine et avec de plus en plus d'inquiétudes l'envolée des taux d'emprunt du Maroc sur le marché local avec en toile de fond les prémices d'une crise de confiance.
C'est une situation inédite à laquelle sont confrontés l'Etat et les investisseurs cette année. Le premier doit faire face à des dépenses exceptionnelles à cause de l'inflation et voit ses marges de manœuvre réduites à néant sur le marché international alors que les taux américains et européens s'envolent. A titre d'exemple, les taux américains à 10 ans ont dépassé les 4% cette semaine avant de rebrousser chemin. En face, les investisseurs savent que le Trésor a des besoins grandissants de financement qu'il compte donc combler sur le marché intérieur. Ils en profitent naturellement pour augmenter leurs exigences de rendement, surtout que ces derniers sont négatifs à cause de l'inflation. Et pour couronner le tout, le resserrement de la politique monétaire entretient mécaniquement cette spirale haussière.
La dernière fois que le marché financier a connu une hausse des taux remonte à 2013 au lendemain du printemps arabe. Mais pour Ahmed Zhani, économiste en chef de CDG Capital, la situation en 2022 est différente. Car, en plus des pressions budgétaires, il y a aussi l'inflation qui renforce la pression sur le budget de l'Etat et alimente les craintes des investisseurs quant à des hausses supplémentaires du taux directeur lors des prochains Conseils de Bank Al-Maghrib.
Comment faire face à la situation
Le Trésor a multiplié les rencontres avec les opérateurs pour tenter de les rassurer sur sa capacité à faire face à la situation. Le Wali de Bank Al-Maghrib avait d'ailleurs évoqué le sujet en septembre en expliquant les options du gouvernement comme nous le rappelle Ahmed Zhani : «Le Maroc devrait faire appel à la Ligne de précaution et de liquidité (LPL) du FMI pour faire face à ses besoins et pourquoi pas solliciter le FMI pour une Ligne de crédit modulable (LCM), conçue pour répondre à la demande de financement émanant de pays qui présentent une politique économique solide pour prévenir et résoudre des crises, résume-t-il.
Le Wali de Bank Al-Maghrib, qui avait lui- même indiqué qu'une sortie à l'international serait difficile, avait également évoqué la possibilité de tirer sur ses droits de tirage spécial (DTS) auprès du FMI.
Crise de confiance
Du côté du marché obligataire, de plus en plus d'investisseurs évoquent un risque de crise de confiance. Car aujourd'hui, les tensions sont telles que pendant deux semaines consécutives, le Trésor n'a pas pu se financer à cause des exigences trop importantes des investisseurs. De plus, la demande dans le cadre des séances d’adjudication est devenue inférieure au besoin annoncé par le Trésor, à l’image de la dernière séance avec un besoin annoncé de 2,5 Mds de dirhams face à une demande très limitée à 820 MDH.
Si ce blocage perdure, le Trésor devra redoubler d'ingéniosité et d'efforts pour boucler son budget auquel il a déjà appliqué plusieurs rallonges, surtout qu'une importante tombée en Dollar doit être remboursée durant ce trimestre.
Les professionnels ne manquent pas de rappeler que la Loi de Finances 2022 a prévu la couverture de 50% du besoin du Trésor à l’international. Un objectif ambitieux qui a été fixé sans même prévoir de plan B en cas de resserrement des politiques monétaires dans le monde face à une inflation galopante.
Réaliser les lignes de crédit auprès du FMI, lever en Dollar sous forme de prêts bilatéraux ou multilatéraux, actionner et communiquer fortement sur des opérations dites de financements innovants «Titrisation, leasback, OPCI, etc.», sont désormais les signaux qui conditionnent une détente sur le marché.