Au cours de la réunion qu’il a tenue le 12 avril 2012, le Bureau exécutif de Transparency Maroc a décidé de partager avec ses membres et l’opinion publique ses principales conclusions au sujet de la décision judiciaire de liquidation de la société SAMIR et de réclamer des pouvoirs publics une attitude à la mesure de l'ampleur du scandale qu’elle constitue.
"Il est à rappeler que la privatisation de la SAMIR et de la SCP en 1997 par cession à un homme d’affaires réputé proche de la famille royale saoudienne avait été très mal accueillie par l’opinion publique en raison de l’opacité qui l’a entourée, de la rentabilité des installations de Mohammedia mais aussi de l’inclusion dans l’opération d’un patrimoine financier et foncier sans rapport avec les activités industrielles, le tout pour un montant de 4 milliards de dirhams. Le pantouflage dont a bénéficié le ministre responsable de cette cession en se retrouvant à la tête de la direction générale de la nouvelle société SAMIR et la confidentialité qui a été maintenue autour du cahier des charges qui aurait imposé des investissements lourds, ont conforté la légitimité des suspicions exprimées,d’autant plus que le programme des travaux n’a vu le jour qu’à la suite de l’incendie qui a ravagé une partie des installations en en 2002. Le recours aux emprunts bancaires à court terme et au fond de roulement pour le financer a contribué à l’apparition de difficultés financières dès 2009. Les multiples mesures de soutien direct et indirect déployées par les autorités fiscales, l’ONEE et d’autres organismes publics n'ont pas suffi à redresser une situation qui résulte pour beaucoup d'un déficit constant de gouvernance d'entreprise et publique.
Transparency Maroc relève que le jugement qui prononce la liquidation de la SAMIR retient à l’encontre de ses administrateurs et gestionnaires de nombreuses irrégularités qui mettent en cause la sincérité des écritures comptables, la distribution de dividendes fictifs et la diffusion d’informations inexactes. Les experts désignés par le tribunal font état de fautes qui constituent légalement des infractions pénales et dedéfaillances répétées de la part des organes d'administration, decontrôle interne et de supervision,notamment du commissariat aux comptes, des autorités boursières et des administrations fiscales. Alors que la mauvaise santé financière de la société était déclarée, elle a pu continuer à s’abstenir de toute reddition de compte au sujet de son cahier des charges, reporter sur plusieurs années l'acquittement de ses impôts et taxes et aggraver son endettement bancaire jusqu’à justifier sa liquidation judiciaire.
Transparency Maroc considère que la perspective de poursuivre l’activité de raffinage par la dévolution de la SAMIR à d’autres opérateurs ne saurait couvrir la multitude de délits financiers et de complicités qui ont contribué à sa déroute. Elle s’étonne de l’inaction du parquet et des différentes autorités publiques malgré l’ampleur du préjudice que risquent de subir les porteurs minoritaires, les banques, les autres créanciers de bonne foi et les finances publiques. Elle craint aussi que l’opacité qui continue de couvrir ce dossier et la désinvolture avec laquelle il a été traité ne laissent la voie ouverte à une fin plus dramatique encore, notamment par le recours à un arbitrage commercial international défavorable au pays, comme cela a été le cas dans d’autres affaires.
Transparency Maroc estime que les retombées économiques, sociales et financières de ce scandale n’autorisent pas les pouvoirs publics à suivre la question comme s’il s’agissait d’une banale affaire de liquidation judiciaire d’une société commerciale. Elle exhorte le gouvernement à :
Constituer un comité de vigilance de haut niveau, en mesure d’atténuer les impacts négatifs de cette situation et d’envisager les solutions d’avenir pour la sécurité énergétique du pays en débarrassant le secteur des rentes qui s’y greffent ;
Diligenter une enquête administrative et financière approfondie et déclencher les poursuites disciplinaires et pénales appropriées à la lumière de ses conclusions ;
Mettre fin au mutisme qu’il a observé sur cette affaire et à la désinformation qui a prévalu à son sujet, en permettant aux citoyens et aux nombreuses victimes de la liquidation d’avoir accès à une information fiable pour défendre au mieux leurs intérêts et obtenir une juste réparation;
En tirer les enseignements sur le pouvoir discrétionnaire dont jouissent les autorités administratives et financières en matière de contrôle financier et fiscal et derecouvrement de redevances publiques.