En 20 ans, le capital-investissement marocain a traversé plusieurs cycles. Les débuts furent hésitants, avec quelques échecs marquants qui ont laissé une empreinte chez certains investisseurs institutionnels. Aujourd'hui, cependant, et particulièrement depuis la pandémie, le secteur connaît une dynamique exceptionnelle, enchaînant succès et records. Jamais auparavant les acteurs du secteur n'avaient atteint de tels niveaux en termes de taille et de performances.
En 2023, les levées de fonds ont atteint 3 milliards de dirhams, pour un total d’investissements de 2,5 milliards de dirhams, des chiffres sans précédent. Mais l'un des indicateurs clés de performance dans ce secteur demeure les sorties, communément appelées exits. En effet, s’il est relativement facile de trouver des entreprises dans lesquelles investir, il est beaucoup plus complexe d’en sortir tout en générant une rentabilité satisfaisante, et ce, au bon moment.
Sur ce plan, le secteur montre également des signaux encourageants : au cours des cinq dernières années, les montants des exits ont été multipliés par quatre. En 2023, ces montants ont dépassé le milliard de dirhams. L’introduction récente en Bourse de CMGP illustre cette tendance, avec un exit de plus de 700 millions de dirhams, sans compter plusieurs opérations du secteur, moins médiatisées, à travers des cessions à d'autres fonds ou à des industries.
Un cercle vertueux grâce à la Bourse
Pour Younès Benjelloun, directeur général de CFG Bank, la période récente a marqué un tournant décisif pour l’industrie du capital-investissement grâce à une multiplication des sorties réussies. « La Bourse, qui constitue la sortie idéale pour ce type d’investissement, a permis d’opérer des transactions à grand succès. Ces performances renforcent la confiance des investisseurs, notamment étrangers, et les encouragent à confier davantage de capitaux aux gestionnaires marocains », explique-t-il.
Selon Benjelloun, la capacité des sociétés de gestion à démontrer que les capitaux investis peuvent être récupérés avec un bon timing et une rentabilité optimale, grâce à l’apport de la Bourse, a créé un cercle vertueux pour le secteur.
Younès Benjelloun, dont l’établissement a conseillé l’opération CMGP aux côtés d’Attijari Finances Corp, souligne également le caractère singulier de cette transaction : « Cette introduction en Bourse était tout sauf classique. L’actionnariat de CMGP est très particulier, comparé aux structures traditionnelles. Habituellement, les IPO concernent des entreprises familiales ou des sociétés contrôlées par une famille fondatrice, accompagnée de capital-investisseurs. Ici, c’est une première au Maroc, avec des capital-investisseurs en tant qu’actionnaires majoritaires. »
Cette configuration atypique, selon lui, a nécessité davantage de temps pour convaincre l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC). Néanmoins, elle pourrait servir de modèle et de référence pour des opérations similaires à l’avenir.
Des tabous qui tombent
Younès Benjelloun se rappelle qu’il y a encore peu de temps, les IPO réalisées dans le cadre d’un exit de fonds d’investissement étaient perçues négativement par le marché. Il se félicite aujourd’hui du changement de perception, à mesure que le rôle des fonds est mieux compris. Ces sorties ne sont plus interprétées comme un manque de potentiel de croissance des entreprises, mais bien comme une étape naturelle dans leur cycle de développement.
« Une sortie d’un fonds de private equity n’est rien d’autre qu’une étape de liquidité, issue d’une augmentation de capital réalisée il y a deux ou trois ans. Pour assurer le bon fonctionnement de ces fonds et leur permettre de financer d’autres entreprises, il est logique et normal qu’ils cèdent leurs participations au moment opportun », conclut-il.