Mardi 02 Decembre 2025

Bourse de Casablanca : Quand la foule numérique fait bouger les marchés

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Une enquête menée auprès de 93 investisseurs marocains révèle un marché où l’émotion circule à la vitesse des notifications. Entre confiance et crainte, mimétisme et opportunisme, les réseaux sociaux, WhatsApp et Telegram en tête, redéfinissent la manière dont se forment les décisions boursières. Révélations. 

Comme tout marché boursier, la Bourse de Casablanca n'a jamais été qu'un simple baromètre économique. Elle a toujours été un miroir des émotions collectives. Un constat  particulièrement amplifié ces dernières années par les écrans et les groupes de discussion. 

Les réseaux sociaux, WhatsApp, Telegram, LinkedIn, parfois X, ont pris place dans une espèce de salle des marchés virtuelle. Ils diffusent l’information, façonnent des anticipations et nourrissent des certitudes éphémères. Ils apportent aussi volatilité et liquidité au marché. 

L’enquête, menée par notre collègue Nissrine EL MARINI auprès de 93 répondants, dresse le portrait d’un investisseur marocain jeune, disposant généralement d'un diplôme supérieur et digitalement actif. 70 % appartiennent à la tranche d’âge 25–44 ans, 65 % exercent une activité salariée et 84,9 % détiennent un diplôme Bac+4/5 ou plus.
Mieux encore, 80,6 % ont déjà investi sur la Bourse de Casablanca et 96 % ont effectué au moins une transaction au cours des douze derniers mois. Un profil donc averti et présent sur le marché, mais pas toujours rationnel : 72 % des participants se disent confiants dans leurs choix d’investissement, 57 % affirment supporter les fluctuations quotidiennes des cours, mais 41 % préfèrent toujours un gain sûr à un gain risqué. 

WhatsApp et Telegram, les nouvelles tours de contrôle

Les habitudes d’information confirment une mutation structurelle : plus de 80 % des répondants consultent régulièrement les sites économiques et les communiqués officiels, mais les réseaux sociaux s’imposent comme relais incontournables.

Les groupes WhatsApp, Telegram et forums spécialisés sont cités par 56 % comme sources “souvent” ou “très souvent” utilisées.

LinkedIn suit à 38,7 %, alors que les plateformes grand public comme YouTube (29 %), X/Twitter (16 %) ou Facebook (12 %) restent périphériques.

Ces espaces numériques fonctionnent comme des chambres d’écho : une information y circule, se transforme, s’intensifie. Les réactions suivent : ventes hâtives, positions allégées, temporisations stratégiques. Une actualité sur une valeur, une rumeur et la psychologie du marché s’emballe. Le comportement collectif devient presque organique, une respiration où les hausses et les baisses traduisent tour à tour l’espoir et la crainte. 

Les discussions sur WhatsApp, Telegram ou les forums boursiers jouent un rôle décisif dans la diffusion de signaux et d’opinions. Plusieurs réponses montrent que ces espaces favorisent un effet de contagion comportementale, où les décisions d’autrui guident celles de l’individu . Ce mimétisme s’explique par la pression sociale implicite au sein de groupes d’échange informels : lorsque plusieurs membres annoncent vendre ou acheter, les autres tendent à suivre le mouvement pour ne pas “rester en arrière”. 

Ce biais mimétique, observé dans plus de la moitié des témoignages, contribue à accentuer les variations de court terme et à réduire la rationalité individuelle. 

Aversion à la perte et comportements défensifs 

La peur d’une perte future pousse l’investisseur à vendre rapidement, même au détriment d’un raisonnement rationnel.
Ce réflexe est également observable dans d’autres réponses : « j’ai allégé ma position », « j’ai temporisé », ou « j’ai préféré vendre rapidement». Ces formulations traduisent une gestion défensive face à la volatilité perçue.

Opportunisme et court-termisme 

Les réponses montrent aussi que certains investisseurs profitent activement des annonces de marché pour effectuer des opérations de court terme Ces stratégies de capture d’opportunité témoignent d’un biais de court-termisme, encouragé par la disponibilité immédiate de l’information et par la volonté de tirer parti de fluctuations rapides. L’investisseur se comporte ici comme un trader réactif, adaptant sans cesse sa position au flux d’actualité.

Vers une régulation intelligente et pédagogique

Les opinions sur le rôle régulateur de l’AMMC sont globalement favorables à une intervention graduelle face à l’influence croissante des réseaux sociaux.
Pour 34,8 % des répondants, cette intervention devrait être modérée, tandis que 22,8 % estiment qu’elle doit être importante et 10,9 % souhaitent une action très forte.

Lorsqu’il s’agit de déterminer la nature de cette intervention, les participants privilégient en premier lieu l’éducation financière (33 %), suivie de la lutte contre les rumeurs et manipulations (28,6 %) et de la surveillance des manipulations via réseaux sociaux (24,2 %).
Enfin, 77 % des répondants pensent qu’une telle intervention permettrait de réduire, au moins partiellement, la volatilité excessive liée aux réseaux sociaux. 

Ces perceptions traduisent une attente de régulation équilibrée, combinant prévention, pédagogie et dissuasion, plutôt qu’un encadrement répressif. 

Du positif dans l'histoire

Pour certains répondants, cette hyperconnectivité a ses vertus : elle ouvre l’accès à l’information, démocratise la culture boursière et permet à chacun de participer.
Dans ce paysage, deux figures se distinguent. D’un côté, l’investisseur expérimenté, capable de filtrer le bruit et de replacer chaque nouvelle dans un horizon de long terme. De l’autre, le néophyte connecté, plus perméable à la rumeur, dont les décisions traduisent davantage une perception sociale qu’une analyse économique. 

Ces constats appellent à une nouvelle forme de pédagogie financière : Enseigner non seulement les ratios et les bilans, mais aussi la maîtrise des émotions, la lecture critique de l’information et la vigilance face aux échos amplifiés du web.

Nissrine EL MARINI

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