Le Wali de la Banque centrale s'exprimait ce 8 février lors d'un symposium CDS à Rabat où il a fait un «constat frustrant» autour des freins au développement de l'investissement dans le Royaume. Mais il a également évoqué les conditions financières dans le Royaume depuis le resserrement de la politique monétaire en septembre 2022 et le contrôle de la transmission de la politique monétaire.
«Ces derniers mois, au regard de l’accélération de l’inflation, la Banque a augmenté son taux directeur à deux reprises depuis septembre dernier. Certes, ce sont des actions de resserrement, mais il faudrait souligner que les conditions monétaires restent largement accommodantes. Avec un taux directeur à 2,5% à fin 2022 et une inflation à 6,6% en moyenne sur l’année, les taux d’intérêt ressortent négatifs en termes réels», a-t-il souligné à un moment dans son discours.
Pour assurer une meilleure transmission de ses décisions, la Banque assure un suivi étroit à travers un ensemble d’enquêtes et de reportings réguliers, a fait savoir le Wali mais aussi un dialogue permanent avec le système bancaire. «Je tiens moi-même une fois par semestre et à chaque fois que le besoin des réunions avec les présidents des banques se fait sentir, et après chaque réunion du Conseil, BAM tient une rencontre avec les Directeurs généraux des banques... De plus, nous suivons les conditions de crédit à travers deux reportings trimestriels, l’un sur les taux débiteurs, l’autre sur les conditions d’offre et l’évolution de la demande. Nous veillons à une concurrence saine entre les banques et nous avons instauré de nombreuses directives dans ce sens, portant en particulier, sur la mobilité et la mainlevée, et nous sommes en train de finaliser avec le GPBM un comparateur des conditions tarifaires pour davantage de transparence», a-t-il souligné.
Financer les projets et non les personnes
A travers toutes ces actions, Bank Al-Maghrib veut pousser vers un changement de culture pour que la banque finance plutôt le projet que la personne. Les difficultés sont nombreuses dans ce sens, liées notamment à l’insuffisance de la transparence financière et la qualité de l’entrepreneuriat en particulier pour les TPE, mais aussi à la complexité des procédures judiciaires et aux délais de recouvrement des créances. «Il est à rappeler que le taux de ces créances qui sont en souffrance, a atteint à fin décembre 8,4% globalement et 11,7% pour les entreprises privées, sachant qu’il était à des niveaux inférieurs à 5% en 2011».
Déluge réglementaire pour les banques
Le Wali n'a pas manqué de rappeler que depuis la crise financière de 2008, les systèmes financiers notamment bancaires à travers le monde font face, en plus des risques émergents, à un véritable déluge réglementaire et prudentiel (règles de Bâle, les normes du GAFI pour la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, nouvelles normes comptables,…).
BAM est amenée à transposer ces resserrements règlementaires, mais elle le fait selon une démarche basée sur la gradualité, la souplesse, la concertation et l’étude d’impact. «Dans cette même optique, nous œuvrons pour le rapprochement banques/entreprises pour une meilleure compréhension des positions mutuelles. Nous avons ainsi pris l’initiative d’organiser une première réunion tripartite BAM-CGEM-GPBM en 2016, qui a débouché sur plusieurs engagements des parties prenantes et un mémorandum adressé au Chef du gouvernement. La deuxième, tenue en 2019, a été l’occasion de dresser le bilan des actions engagées et d’examiner de nouvelles mesures pour améliorer le financement des entreprises. L’année dernière, BAM a également réuni le GPBM avec la Commission des finances et du développement économique au sein de la Chambre des représentants, puis avec la même Commission relevant de la Chambre des conseillers pour un dialogue qui s’est avéré encore difficile mais de moins en moins conflictuel».
Enfin, il est à rappeler également que BAM contribue à l’élaboration et à la mise en œuvre des réformes visant l’approfondissement du système financier et l’amélioration de l’environnement des affaires. «Je citerais à titre illustratif la création du Registre national des sûretés mobilières, le développement de l’activité de la finance participative, la mise en place du cadre régissant le financement collaboratif (Crowdfunding), la réforme de la microfinance, la création d’un marché secondaire des créances en souffrance…», a conclu Abdellatif Jouahri