Aujourd'hui, la Banque Centrale américaine risque d'annoncer une hausse de son principal taux directeur qui avoisine actuellement 0%. Cette annonce, si elle a lieu, risque de perturber les économies de plusieurs pays émergents dont les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine). Pourquoi le FED risque de remonter ses taux aujourd'hui ? quelles sont les cartes qu'elle a en main ? Quelles sont ses principales contraintes ? qu'anticipent les marchés ? pourquoi les BRICS risquent d'en souffrir. On essaye de répondre à chacune de ses questions avant la conférence de presse de Janet Yellen, numéro 1 de la FED, qui se tiendra ce soir.
Pourquoi la FED risque de remonter ses taux ?
L'objectif de la politique accommodante de la FED était de relancer la croissance à travers la consommation des ménages. Pour cela, elle a conditionné (la FED de Bernanke puis de Yellen), sa politique au taux de chômage. "On continuera à injecter des liquidités dans l'économie tant que le chômage est supérieur à 6%" disait Bernanke. Aujourd'hui, le chômage est à 5,5% et la croissance américaine a connu 10 trimestres consécutifs de hausse. Du jamais vu depuis les années 50. Pour Omar Fassal, analyste financier spécialiste des marchés internationaux à CDG Capital, qui sera d'ailleurs notre invité lundi dans l'Hebdo des marchés, "l'économie américaine se porte bien et presque tous les indicateurs sont au vert". Presque tous, car il y a une contrainte qui empêche la FED d'agir librement : l'inflation.
Les indicateurs économiques américains sont au vert (sauf l'inflation).
Source : Présentation de Omar Fassal lors d'une conférence à l'Institut marocain des relations internationales.
Quelles sont les contraintes de la FED ?
L'inflation est extrêmement faible aux Etats-Unis. Cela est lié à la force du Dollar et à des importations dont les prix baissent en valeurs nominales. Or, remonter le taux directeur, créera une rarification de l'argent et donc une baisse des prix. Rappelez-vous, au Maroc on a eu le cas inverse en 2014, quand les matières premières alimentaires ont vu leurs cours baisser (cela continue d'ailleurs), la Banque Centrale a fait baisser son taux directeur à un niveau historiquement bas. En un trimestre, l'inflation est passée de 0,7% à 1,3%. Baisser les taux, relance l'inflation. Les augmenter, fait baisser l'inflation. Les USA sont dans le deuxième cas. Comment peuvent-ils augmenter les taux alors que l'inflation est faible ? il faudra trouver un compromis.
Qu'anticipent les marchés ?
Il faut savoir que rien oblige les autorités monétaires américaines à agir aujourd'hui, dans la soirée. Ils peuvent reporter cela au mois d'octobre, novembre ou même décembre. Les marchés, eux, n'attendent jamais la dernière minute pour agir. Ils anticipent. Et là, il faut dire qu'ils brouillent les pistes. Premièrement, le dollar grimpe depuis quelques temps (on dira pourquoi un peu plus bas), ce qui montre les opérateurs anticipent une hausse des taux. Or, les marchés actions américains se stabilisent mais ne décrochent pas. Les opérateurs sont sereins. L'idéal aurait été de voir une remontée du dollar et une baisse des actions. Ce n'est pas complètement vrai.
Pourquoi les émergents sont en danger ?
Par émergents il faut comprendre : économie dont le compte de capital est libéralisé (l'argent sort et rentre dans le pays facilement). Economie suffisamment grande pour influencer une ou plusieurs régions du monde (les BRICS par exemple). Economie qui exporte des matières premières ou qui en consomme suffisamment pour influencer les cours (encore une fois, les BRICS par exemple). Nous ne sommes pas vraiment un pays émergent.
Ces émergents profitent de la recherche d'un bon couple rendement/risque de la part des investisseurs internationaux. Avoir un rendement de 7% pour des placements avec un risque de 3% est meilleur qu'avoir un rendement de 0,01% aux USA avec un risque de 0%. Résultat : les flux financiers rentrent dans ces pays à travers des investissements réels où des placements financiers. Or, si les rendements augmentent aux USA, une partie plus ou moins importante de ces flux vont sortir de ces pays pour aller aux USA. Les monnaies de ces pays vont fortement baisser alors que la monnaie américaine va s'apprécier sous l'effet de l'offre et la demande. C'est pour cela qu'on disait un peu plus haut que les opérateurs anticipent une hausse des taux vue la remontée du dollar. Les émergents auront donc un monnaie en baisse, une inflation monétaire et le prix de vente de leurs matières premières va baisser. Cela risque d'aggraver la situation de la Chine et du Brésil alors que l'Inde et la Russie ont déjà vécu des épisodes difficiles dernièrement à cause d'attaques sur leurs monnaies. D'autres économie d'Asie risquent d'en souffrir.
Sommes nous concernés ?
De manière indirecte oui. Certes, les matières premières seront plus accessibles mais certains investissements étrangers risquent d'être gelés, en plus d'une baisse de la demande provenant de ces économies sur nos exportations hors phosphates (textile, agrumes...).
Le Maroc n'exporte pas beaucoup aux BRICS :
Source : Présentation de Omar Fassal lors d'une conférence à l'Institut marocain des relations internationales.
Sur l'économie chinoise :
Source : Présentation de Omar Fassal lors d'une conférence à l'Institut marocain des relations internationales.