Il est peut-être logique de démarrer ce rendez-vous hebdomadaire du “Focus action de la semaine” par la première capitalisation de la place. Retour donc sur son exercice 2014 et ses enjeux pour 2015.
Maroc Telecom a passé les cinq dernières années à se restructurer, avec une stratégie clairement portée sur l'international face à un marché local visiblement saturé. Mais, au final, peut-être que les dés ne sont pas complètement jetés et que cette stratégie n'est que la face visible de l'iceberg.
Il a fallu que les ventes au Maroc se stabilisent en 2014 (-0,8%) pour que les revenus globaux du groupe progressent (+2,1%). Cela doit être souligné, car depuis 2010 (chiffre d'affaires de 31 Mds de dirhams à l'époque contre 29 Mds aujourd'hui et 28,5 en 2013), les ventes n'ont fait que chuter, plombées justement par l'activité au Maroc qui éclipsait les efforts faits à l'international.
Ce raisonnement peut être repris à l'identique concernant les résultats opérationnels ou encore le bénéfice net consolidé de l'opérateur. Ce dernier a continuellement baissé depuis 2010 où il était de 9,5 Mds de dirhams, pour atteindre un plus bas sur cinq ans en 2013 à 5,5 Mds, avant de remonter cette année de 5,6% à 5,8 Mds de dirhams grâce, en plus de la hausse des revenus, à la non-récurrence d'une charge fiscale constatée l'an dernier. Une performance anticipée, puis saluée par les investisseurs. Maroc Telecom progresse de 15% en Bourse depuis le début de l'année.
Se ressourcer au Maroc, croître en Afrique
Le marché marocain, visiblement saturé par la concurrence, continue d'offrir à Maroc Telecom une base solide de croissance. On pensait que l’opérateur surfait sur ses acquis sur ce marché et subissait la montée de la concurrence, mais ce n'est pas le cas. Ou du moins, ce n'est plus le cas. Dans le hall du siège rbati de l'opérateur, un stand a été installé bien à la vue des journalistes, lundi dernier, lors de la présentation des résultats, pour y exposer une nouvelle offre de télé à la demande.
Une offre qui rappelle celle de l'américain Netflix et qui permet d'accéder à une base de données de films et de séries sur Internet après abonnement. Ce produit n'a pas été commenté par le président du groupe lors de sa présentation, mais le signal est clair. Il a tout de même expliqué que l'ADSL vient enfin d'atteindre l'équilibre et qu'ils ne perdent plus d'argent sur ce segment.
La télé à la demande passe par l'ADSL. Ainsi, Maroc Telecom pourrait changer de fusil d'épaule au Maroc et se concentrer sur l'innovation dans ce marché qu'elle ne connaît que trop bien. Des produits haut de gamme générant plus de marges sortent des tiroirs, alors que le Groupe continue de faire ce qu'il maîtrise le mieux dans ses autres pays d'implantation : inonder les marchés cibles à des prix de plus en plus compétitifs et profiter des volumes.
Le profil cible serait d'ailleurs, selon Abdeslam Ahizoune, “une activité à l'international qui rapporte 40% des revenus dans un premier temps, pour atteindre la parité à plus long terme, et cela sans pour autant acheter de nouvelles filiales”. Actuellement, l'international représente 30% des revenus de l'opérateur.
Pour mettre en place ce nouveau mix produit, Maroc Telecom a un atout de taille. Ses marges brutes d'exploitation dépassent les 50%. Même après amortissements, ses marges restent élevées à 35,2%. Un coussin de sécurité qui permet l'investissement dans des secteurs à haute valeur ajoutée comme la télé à la demande ou la 4G et autres produits Entreprise, sans faire passer sa rentabilité par une période de vaches maigres.
Une période d'adaptation nécessaire
L'an dernier, lorsque Maroc Telecom annonçait l'acquisition des filiales d'Etissalat, les analystes financiers trouvaient que cela allait rajeunir le profil de la firme en la déplaçant un peu plus vers la case croissance. Aujourd'hui, ce constat est particulièrement vrai, mais ce basculement prendra un peu plus de temps que prévu. Abdeslam Ahizoune a déclaré à ce sujet “ces filiales ne sont pas dans l'état que nous avions espéré. Elle demandent des investissements. Le point positif est que cette situation laisse une marge de croissance à ces filiales”. Il faut ajouter à cela qu'il y aura sûrement un mouvement de rapprochement au Gabon où la société dispose maintenant de deux filiales.
Au Maroc aussi, l'adaptation sera nécessaire. L'opérateur devra tester le marché et proposer plusieurs offres avant de tomber sur la formule exacte, surtout que le consommateur est exigeant. Mais en se basant sur ses marges, son faible endettement, sa trésorerie bien lotie et sa capacité à proposer du rendement, peu importe sa phase de développement, le renouvellement stratégique devrait passer en deux trois clics ou, si vous êtes un nostalgique, comme une lettre à la poste.
En 2015, Maroc Telecom s'attend à un chiffre d'affaires stable et une poursuite de la baisse de ses marges d'exploitation. Peut-être qu'il y a encore des investissements dans l'air.