Le départ annoncé cette semaine du désormais ex-ministre des Finances, Mohamed Boussaid, que certains confrères expliquent à tort ou à raison par sa «raideur» budgétaire, vient confirmer les observations de certains professionnels de la gestion d'actifs au lendemain du discours du Trône.
Le souverain y avait clairement identifié les priorités de l'exécutif à court et moyen terme : il s'agit de l'amélioration du climat des affaires et du climat social.
Des chantiers que le Roi qualifie d’urgents et qui nécessitent des investissements importants -surtout dans le social avec le lancement d'une nouvelle phase de l'INDH, la refonte du Ramed, la relance du dialogue social, etc.
Ces mesures engagent des ministères régaliens, comme le département de l'Intérieur, et doivent donc être financées.
Les deux derniers gouvernements n'ayant pas pu profiter du contexte des taux bas et de l'argent pas cher dont profite le Royaume pour améliorer le climat social, des opérateurs anticipent maintenant des tentatives de relance en actionnant, cette fois-ci, le fameux levier budgétaire.
L'idée est simple : accepter de laisser courir le sacro-saint déficit, le temps de réaliser des investissements publics dans les chantiers prioritaires, pour ensuite en récolter les bénéfices sur l'emploi, en tirer de la croissance et réduire à nouveau le déficit.
Bien entendu, ces investissements sont toujours financés par de la dette. Une situation similaire d'ailleurs à celle vécue en 2011 au lendemain du printemps arabe.
Quand on sait que la composante intérieure de la dette du trésor est majoritaire, on imagine bien comment une hausse du déficit pèsera sur le coût de l'argent : on parle de remontée des taux sur le marché primaire.
Une tendance déjà bien installée
Les investisseurs institutionnels anticipent. Et généralement ils le font bien. Les flux chez les OPCVM montrent comment, depuis le début de l'année 2018 et jusqu'à fin juillet, ces derniers ont clairement entamé leurs désengagements des fonds actions pour aller sur des produits de taux.
L'actif net des fonds actions s'est ainsi réduit au profit de souscriptions dans les fonds obligataires. Au 20 juillet, les actifs sous gestion chez cette catégorie de fonds (obligataire moyen long terme) ont augmenté de 12,35%. Le monétaire, sensible aux évolutions rapides des rendements à court terme, a baissé de -15% alors que la catégorie actions voit ses actifs nets baisser de -4%.
Certes, les raisons qui ont justifié ces effets d'éviction depuis le mois de mars résident dans le climat de défiance qui a touché le marché actions et reflète également les anticipations macroéconomiques des gros investisseurs.
Mais la perspective d'une relance budgétaire et d'une remontée des taux de la banque centrale est de nature à accentuer le mouvement dans le futur.
Quand on sait que le marché actions est un marché de flux reflétant les positions des institutionnels, on peut comprendre les craintes de certains opérateurs de voir le marché actions rester sous pression pendant un moment, tant que les «instit'» font des arbitrages en faveur des taux.
En 2017, selon le dernier rapport de la banque centrale, les banques, la CDG et les OPCVM ont accumulé des actifs sans risques (bons du Trésor). En parallèle, les assurances et organismes de prévoyance sociale ont réduit leur stock sur ces supports de placement de plus de 8 Mds de dirhams. Assisterons-nous à un retour de manivelle ?
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