Mardi 01 Octobre 2019

Financiarisation des prêts douteux : Les solutions à l'étude

Analyse du Marché Boursier Marocain

 

La Banque centrale s’attaque à la problématique des créances douteuses.

Deux solutions sont envisagées pour éponger ces prêts. Détails.

 

Le secteur bancaire est actuellement à un taux de sinistralité de 7,5%. L’allongement des délais de paiement et les défaillances des entreprises n’arrangent pas les choses. «Le niveau des créances en souffrance (CES) est intimement lié à l’environnement économique. La persistance d'une conjoncture difficile s’est accompagnée d’un accroissement des créances en souffrance depuis 2010. Cette hausse a été significative jusqu’en 2015 avec une augmentation annuelle de 14% en lien avec l’aggravation de la sinistralité sur les secteurs les plus sensibles», commente la Direction de la supervision bancaire (DSB) relevant de Bank Al-Maghrib dans une déclaration à Finances News.

Aujourd’hui des solutions se profilent et la Banque centrale se penche sérieusement dessus : Il s’agit principalement de la titrisation des prêts et leur revente sur un marché secondaire ou la création d’une entité juridique appelée « Bad bank ».

 


Structure de défaisance


Commençons par cette deuxième solution : les fameuses Bad bank, dont l’idée commence à prendre une résonance particulière au sein du secteur bancaire. Ces entités juridiques permettent en effet d’assainir les bilans des établissements financiers en les débarrassant des actifs «non-performants». Ces derniers sont ainsi regroupés dans une structure spécialisée conçue pour les écouler sur plusieurs années. En Europe, le cas de Bad Bank le plus connu est celui de la banque Dexia. Et tout récemment, c’est Deutsche Bank qui envisagerait de mettre sur pied une Bad Bank, dans laquelle seraient logés jusqu'à 50 milliards d'euros d'actifs risqués.

Rappelons que le wali de la Banque centrale avait déjà affirmé l’hypothèse de création d’un tel type de structure. «Oui, on y pense. Nous avons reçu des propositions que nous étudions», avait-il indiqué en mars dernier, en précisant qu'il est encore prématuré de se prononcer. «Il n’y a encore aucune décision qui a été prise à ce sujet, car cela ne dépend pas uniquement de nous, mais également des banques concernées. De plus, plusieurs points techniques sont encore à régler».
Rappelons que les opérations de défaisance ont permis à nos voisins espagnols d'éviter des faillites bancaires lorsque le pays était frappé de plein fouet par la crise immobilière de 2011-2012. D'ailleurs, les professionnels estiment que ce modèle serait le plus scruté dans le cadre de cette étude de faisabilité. Pourquoi donc ne pas vendre directement ces actifs toxiques au lieu de créer une bad bank ? C’est l’autre solution étudiée par BAM.

 

Que peut-on mettre dans une bad bank?

Soit parce qu’ils sont de mauvaise qualité soit parce qu’ils sont invendables à un instant précis, les actifs toxiques d’une banque sont logés dans les structures de défaisance. On peut y retrouver notamment des actifs non stratégiques que la banque ne souhaite plus garder. On peut y inclure d’autres types d’actifs : participations industrielles ou financières, des crédits à la consommation, des actifs immobiliers, des obligations d’État ou des créances.

 


Création d’un marché secondaire pour les CES : l’autre alternative


«c’est un scénario que nous étudions très sérieusement avec le secteur bancaire. Ces techniques de titrisation donneront un nouveau souffle à ces créances en souffrance», affirmait en juillet dernier, la Direction de supervision bancaire relavant de BAM. Apportant quelques détails, sa directrice nous apprend qu’«il n’y a toutefois pas de distinctions sectorielles de créances».

Dit autrement, c’est une solution valable pour les créances en souffrance, quel que soit le secteur d’activité. Et que «tout dépendra de l’appétit des investisseurs par rapport à ce type de papier et des portefeuilles qu’ils vont analyser et sur lesquels ils vont faire des due diligence». Avant d’affirmer qu’il y a beaucoup d’investisseurs locaux et étrangers qui seraient intéressés par ce type de papier. Généralement, ce sont des fonds spécialisés prêts à supporter le risque.

Le régulateur nous a apporté plus de détails sur ce  mécanisme : les banques peuvent, à travers la titrisation, céder un portefeuille de créances en souffrance à une structure ad hoc sous forme de fonds qui en finance l’acquisition par l’émission de titres financiers placés auprès d’investisseurs. Une société de gestion spécialisée est désignée pour assurer le recouvrement des créances en souffrance titrisées.

Les produits de recouvrement servent à rémunérer notamment les investisseurs financiers ayant souscrit audit fonds. La titrisation des créances en souffrance offre une nouvelle classe d’actifs financiers non disponible sur le marché et destinée à des investisseurs y compris étrangers désirant des rendements et des primes plus intéressants notamment les investisseurs institutionnels et les fonds spéculatifs (Hedge Funds).

 


Valorisation des créances


Une étape importante dans ce processus est celle de la valorisation des portefeuilles, objet de titrisation, qui s’appuie sur une évaluation de la recouvrabilité des créances en souffrance concernées. «La préoccupation aujourd’hui est que ces actifs soient à leur juste valeur dans les bilans des banques. Le point positif est que ces structures (Bad Bank : ndlr) permettront de gérer le marché de l’immobilier», a fait savoir Sekkat, PDG de CIH Bank, lors de la présentation des résultats semestriels 2019.

L'objectif est que les créances douteuses soient évaluées au plus près possible de leur valeur de marché. Car, si cette valeur est très basse, cela entraînera de lourdes dépréciations au bilan des banques concernées, qui peuvent donc avoir besoin d'être recapitalisées. Par contre, si l'Etat achète les actifs à un prix surévalué pour ménager les banques, elle les revendra forcément à perte.

Un concept nouveau

Le concept du marché secondaire de la gestion des créances douteuses est assez récent. En Europe, par exemple, le marché est embryonnaire, non régulé et atomisé. Sur les 1.000 milliards d’euros d’actifs toxiques logés dans les banques européennes, seuls 130 Mds d’euros y sont vendus. D’ailleurs, l’Union européenne, dans le but de favoriser le rachat et la gestion de ces prêts non-performants, va créer un système électronique de négoce, qui permettrait de diminuer les coûts de transaction et d'attirer un nombre plus important d'acteurs. BAM aurait donc pensé au même plan : délester les bilans bancaires et faire émerger un marché secondaire des créances douteuses. Car, finalement, leur accumulation ne ferait que planer des besoins de recapitalisation et fragiliserait la transmission de la politique monétaire du régulateur.

 

Y.S 

BAM

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