La banque d'affaires internationale Renaissance Capital a réuni cette semaine, et pour la première fois au Maroc, des investisseurs étrangers pour leur présenter des opportunités de placement sur le continent. Un évènement étalé sur deux jours où plus de 100 délégués d'Afrique du Nord étaient présents. Des réunions ont lieu entre plus de 20 entreprises du Maroc et d'Egypte et 18 fonds d'investissement internationaux en provenance de l'île Maurice, de Singapour, d'Afrique du Sud, de Suède, de Suisse, des Émirats Arabes Unis, du Royaume-Uni et des États-Unis et dont les actifs sous gestion cumulés excèdent 2.000 milliards de dollars.
Cibler l'industrie
Cette conférence a constitué un véritable terrain de jeu pour une confrontation directe entre deux places boursières et financières africaines. Le Maroc et l'Egypte. Il faut dire que Renaissance Capital a souhaité placer cette manifestation sous le signe de l'investissement industriel, en orientant sa plénière vers la compétitivité et l'industrialisation des pays de la région MENA. Le sujet a été longuement débattu lors de la table ronde où Ahmed Kouchouk, vice-ministre des Finances égyptien, pour les politiques fiscales et la réforme institutionnelle, puis Karim Hajji, Directeur général de la Bourse de Casablanca, ont un à un présenté les réalisations en la matière dans chacun de ces deux pays. Charles Robertson, économiste en chef monde de Renaissance Capital, a lui dressé - un peu en arbitre - un tableau original de l'évolution des conditions de l'industrialisation en Afrique. Démographie, accès à l'électricité... un exposé où les facteurs de compétitivité de l'Afrique ont été décortiqués sur un demi-siècle. Son constat : «La proximité avec l'UE et les niveaux de salaire en Égypte et au Maroc, qui représentent 20 à 50% des niveaux observables en Europe centrale et 7 à 17% du niveau français, signifient que les investissements directs étrangers (IDE) devraient continuer à affluer vers le Maroc et que les IDE manufacturiers pourraient bientôt atteindre l’Égypte également». Sortant d'un ensemble de réformes souvent difficiles, l'Egypte souffre en effet d'une pénurie d'investissements privés qu'elle souhaite reconquérir.
Ni Charles Robertson ni Christophe Charlier, président du conseil d'administration de Renaissance Capital, n'ont voulu montrer une préférence pour telle ou telle destination. Christophe Charlier préfère parler de «deux histoires différentes» avec un point en commun : Ce sont les seules places financières en Afrique à être dans une dynamique positive de leurs fondamentaux. «Ces marchés des capitaux devraient connaître de nouvelles émissions d’actions, soit par le biais de sociétés privées soit par le biais d'un certain nombre d'opérations de privatisation». Le numéro 1 de Renaissance Capital s'intéresse d'ailleurs à cet aspect. «Nous sommes fiers d'avoir été mandatés pour certaines de ces transactions», explique-t-il tout en concédant que pour le moment aucun de ces deals ne concerne une entreprise marocaine. Mais la banque d'affaires qui se spécialise dans les marchés frontières, met en avant sa présence dans plusieurs pays et un accès aux investisseurs internationaux pour vendre ses services de M&A aux émetteurs marocains. Avec des opérations en Afrique, en Europe centrale et orientale, en Amérique du Nord et en Asie, ainsi qu'une Recherche actions qui couvre le continent africain, Renaissance Capital justifie déjà d'un track-record sur le continent. Des éléments de différenciation qui, selon Christophe Charlier, ne manqueront pas de donner des fruits. «Vous entendrez de plus en plus parler de nous au Maroc», lance-t-il dans une conférence de presse en marge de l'événement.
«Il faut passer 70 fois plus de temps à surveiller le Maroc que l'Egypte»
Le match Egypte - Maroc
Pour vendre la destination Egypte aux investisseurs étrangers présents, le vice-ministre des Finances égyptien a mis en avant la reprise économique constatée et des taux qui offrent un rendement inégalé dans la région. Par contre, il ne s'attardera pas sur la volatilité de la devise et l'inflation galopante que connaît son pays. En VRP de la place financière marocaine, Karim Hajji a, lui, met en avant la stabilité politique et économique du Royaume, la réussite des nouveaux métiers du Maroc, notamment l'aéronautique et l'automobile, la force de frappe importante des institutionnels et des banques marocains dans la région.
La recherche de Renaissance Capital estime, elle, dans un document de recherche sur les perspectives 2020 dans la région, que l'Egypte est à surpondérer dans les portefeuilles d'investisseurs qui souhaitent accompagner la relance à travers l'investissement privé. Les économistes de la banque sont plutôt neutres sur la destination Maroc pour des raisons de timing. Le marché boursier montre, selon eux, une valorisation élevée actuellement en traitant à 19,1x ses bénéfices. Le Maroc est présenté plutôt comme une destination de sécurité à privilégier pour des investissements physiques en provenance d'Europe notamment.
Point positif pour la Bourse de Casablanca : Son poids, appelé à grandir, dans l'indice MSCI FM. Car si l'Egypte est dans la catégorie au-dessus, son poids reste marginal. Charles Robertson préconise de passer «70 fois plus de temps à surveiller le Maroc que l'Egypte» en se basant sur les pondérations des deux pays.
Lors de cette conférence, Karim Hajji était aux côtés de Zouhair Bennani, qui contrôle le groupe Label'Vie, et de Nawfal Bendefa, président de REIM Partners, société de gestion de la foncière Aradei Capital, pour témoigner des nouveaux métiers de la finance au Maroc et du développement rapide de l'immobilier professionnel d'entreprises. Des nouveautés que les investisseurs accueillent chaleureusement alors que les locomotives habituelles africaines trébuchent, l'Afrique du Sud et le Nigéria connaissant des perturbations politiques et économiques dans un contexte d'incertitude sur les matières premières.
A. H