La tuerie de Las Vegas pourrait porter un coup à l'industrie du tourisme qui fait vivre cette oasis épicurienne en plein désert, mais la fête devrait battre son plein à nouveau d'ici quelques mois, selon les spécialistes.
Mercredi sur le "Strip" de Vegas, la grande artère où s'alignent les casinos-hôtels les plus rutilants, une forte présence policière et une circulation éparse rappelaient la tragédie. Certaines façades affichaient le message "Vegas Strong" ("Vegas forte"), et l'ambiance était plus sombre que d'ordinaire.
L'attaque de dimanche "devrait peser fortement sur le tourisme à court terme, pendant qu'elle est encore vivace dans les esprits", prédit Federico Guerrero, professeur associé d'économie à l'université de Reno, Nevada (sud-ouest).
"Il ne fait aucun doute que les événements comme celui-ci changent l'industrie du tourisme, particulièrement à court terme car c'est la perception qui amène les gens vers une destination spécifique", renchérit Neha Singh, professeure de gestion hôtelière à l'université californienne Cal Poly Pomona.
Las Vegas, avec son célèbre slogan "ce qui se passe à Vegas reste à Vegas", incarne l'hédonisme: l'alcool, l'argent, la fête et une certaine décadence.
Certains parmi les 43 millions de visiteurs qui se pressent chaque année dans la capitale mondiale des casinos, aux 60 milliards de dollars de recettes annuelles, pourraient décider qu'ils n'ont plus le coeur à s'amuser là où tant de sang a été versé, ou qu'ils ne s'y sentent plus en sécurité.
- Failles sécuritaires -
Les hôtels, dont les failles sécuritaires ont été mises à jour par Stephen Paddock, le meurtrier qui a emmené un arsenal dans sa chambre du 32e étage au Mandalay Bay sans être repéré, vont devoir trouver un équilibre en ajoutant des mesures de surveillance renforcée pour rassurer sans perturber trop l'ambiance de détente.
Les experts du secteur soulignent que c'est surtout les voyages de pur villégiature qui risquent de fléchir, car les séminaires - près de 22.000 par an - sont réservés un an à l'avance et ne devraient pas être annulés - même si les nouvelles réservations pourraient privilégier d'autres destinations.
Bjorn Hanson, professeur au département de tourisme de New York Université, anticipe un recul d'activité "à un point de pourcentage pendant deux ou trois mois". Michael McCall, professeur de gestion hôtelière à l'université de l'Etat du Michigan, table lui sur 6 à 12 mois.
Tom Cargill, professeur d'économie à l'Université de Reno, rappelle que Las Vegas a déjà été le théâtre de nombre d'événements qui ont pesé dans l'immédiat sur l'activité mais n'ont pas empêché l'expansion du tourisme dans la durée: la naissance d'Atlantic City, un immense incendie dans le MGM Grand en 1980, la crise immobilière des années 2008-2009, etc.
- Accoutumance -
Les attentats et actes de violence qui surviennent partout dans le monde à un rythme de plus en plus rapide créent un phénomène d'accoutumance, et l'attention médiatique zappe d'une catastrophe à l'autre dans le monde.
Pour beaucoup de touristes, les attaques de masse font désormais partie de la vie.
Orlando, en Floride, où une autre fusillade meurtrière a eu lieu l'an dernier dans une boîte de nuit, a connu un nombre record de touristes en 2016. A Paris, cible d'une série d'attentats depuis 2015, la fréquentation des hôtels parisiens pourrait battre des records en 2017 après une baisse de 5% en 2016.
Paul Wurzer et sa femme Sonia, arrivés mardi à Vegas, étaient attablés sur une terrasse ensoleillée du Strip à l'opposé du Mandalay Bay, et autour d'eux la vie semblait poursuivre son cours normal.
En découvrant l'attaque à la télévision lundi matin, ils se sont demandés: "Est-ce que les vols vont être annulés? Est-ce qu'on veut encore y aller?", raconte Paul. "Et puis nous avons pensé que c'est peut-être le moment le plus sûr pour y aller à cause de toute la présence policière", ajoute-t-il.
Au final, "nous sommes venus ici nous relaxer" et la tragédie "n'a pas changé nos plans", conclut Sonia.
Erick Fulps, agent de réservations de visites guidées chez Adventures International, estime que l'activité "n'a pas ralenti tant que ça". "Les gens viennent encore pour faire des visites, s'amuser (...) C'est tragique ce qui s'est passé mais (les gens) continuent leurs vacances. Vegas ne s'arrête jamais", résume-t-il.