Les pays de l'Opep+ ont décidé lundi de réduire leur production pour soutenir les prix face aux craintes de récession, une première depuis plus d'un an et les coupes drastiques opérées en raison de la pandémie de Covid-19.
Les représentants des treize membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), conduits par l'Arabie saoudite, et leurs dix alliés emmenés par la Russie, ont convenu de "revenir aux quotas du mois d'août", soit une baisse de 100.000 barils par rapport à septembre, a annoncé dans un communiqué l'alliance basée à Vienne.
Le groupe, qui se réunissait par visioconférence, laisse la porte ouverte à de nouvelles discussions avant la prochaine rencontre du 5 octobre, "pour répondre si nécessaire aux développements du marché".
Au fil de ses rendez-vous mensuels, l'Opep+ résiste aux appels des Occidentaux pour ouvrir plus largement ses vannes.
S'élevant à mots couverts contre la réduction annoncée, les Etats-Unis ont réagi en réclamant lundi un équilibre entre l'offre et la demande d'énergie.
Le président américain Joe Biden "a été clair sur le fait que l'offre d'énergie doit correspondre à la demande pour soutenir la croissance économique et réduire les prix pour les consommateurs américains et à travers le monde", selon un communiqué de la Maison Blanche.
"Cette baisse symbolique n'est pas une réelle surprise après les murmures de ces dernières semaines", a réagi dans une note Caroline Bain, analyste de Capital Economics.
Le ministre saoudien de l'Energie, Abdelaziz ben Salmane, avait semblé ouvrir la porte, il y a une dizaine de jours, à l'hypothèse d'une coupe, dénonçant un marché "tombé dans un cercle vicieux de faible liquidité et de volatilité extrême".
Affectés par de sombres perspectives économiques mondiales, les cours des deux références mondiales du brut ont glissé ces dernières semaines loin de leurs sommets de mars, à près de 140 dollars le baril.
Vers 19h20 GMT, le cours du baril de Brent de la mer du Nord reculait de 0,53%, à 95,23 dollars, et le WTI, référence pour le marché nord-américaingagnait 2,3%, à 88,87 dollars
"Cette décision montre que nous sommes prêts à utiliser tous les outils à notre disposition", a commenté le ministre saoudien, dans une interview à l'agence financière Bloomberg. "Nous serons attentifs et dynamiques pour soutenir la stabilité et l'efficacité du marché".
L'alliance "signifie ainsi qu'elle agira pour soutenir les cours s'ils devaient s'effondrer", par exemple en cas de retour du pétrole iranien, explique Matthew Holland, analyste géopolitique pour l'institut de recherche Energy Aspects.
Pour le président américain Joe Biden, qui s'était rendu pour la première fois en tant que président des Etats-Unis en Arabie saoudite mi-juillet pour tenter d'influer sur la stratégie de Ryad, c'est "un coup dur", estime Craig Erlam, analyste de la plate-forme d'échanges OANDA.
Pour lui, le "dommage politique" causé par cette visite controversée est "un pur gaspillage" avec un résultat "pire" qu'avant cette initiative.
"L'Arabie saoudite et l'Opep+ sont la +Banque centrale du pétrole+", ironise Bjarne Schieldrop, analyste de la banque suédoise SEB. "Et mieux vaut ne jamais essayer de les combattre".
Moscou, pilier du groupe avec Ryad, a pour sa part évoqué "de nombreuses incertitudes" liées notamment à "la déclaration des dirigeants du G7 concernant le plafonnement du prix du pétrole russe", selon les propos du vice-Premier ministre chargé des questions énergétiques, Alexandre Novak.
Autre élément entrant en ligne de compte, l'incapacité régulière de l'Opep+ à remplir ses quotas.
"La production actuelle et les quotas sont désormais déconnectés, il s'agit donc d'une question de crédibilité", souligne M. Schieldrop. Elle est estimée à près de 3 millions de barils par jour en-deçà des objectifs affichés.
Au printemps 2020, le cartel avait procédé à des coupes radicales devant l'effondrement de la demande provoqué par la pandémie. Un an plus tard, il a commencé à rouvrir les vannes mais à grand peine.
Crises politiques à rallonge, ou manque d'investissements et d'entretien pendant la pandémie handicapant désormais les infrastructures pétrolières: de nombreux pays du groupe comme l'Angola ou le Nigeria ne peuvent pomper davantage.
Seuls l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis semblent disposer de capacités de production inutilisées.
Or l'analyste note que Ryad écoule actuellement près de 11 millions de barils de pétrole par jour, un niveau qu'elle n'avait atteint que deux fois dans son histoire, et seulement temporairement.
"Le niveau actuel est bien supérieur à son niveau de confort", souligne M. Schieldrop.