Du jamais vu: le fonds souverain de la Norvège, le plus gros au monde, a annoncé mardi avoir perdu plus de 150 milliards d'euros en 2022 du fait des mauvaises performances des marchés financiers provoquées par la guerre en Ukraine et la détérioration économique mondiale.
Jamais le fonds n'avait perdu autant d'argent en une année depuis sa création à la fin des années 1990, a reconnu sa direction.
"2022, c'est sûr, était une année pour les livres d'histoire", a commenté le directeur du fonds géré par la banque centrale norvégienne, Nicolai Tangen, lors d'une conférence de presse.
Les marchés ont été affectés par la guerre en Europe, l'inflation élevée et la hausse des taux d'intérêt, a-t-il expliqué.
Le fonds dans lequel le pays nordique -plus gros producteur d'hydrocarbures d'Europe de l'Ouest- verse ses revenus pétroliers a terminé l'année avec un rendement négatif de 14,1%, correspondant à des pertes de 1.637 milliards de couronnes (151 milliards d'euros).
Une perte inégalée en valeur, mais qui n'efface pas 2008 et la crise financière mondiale, année de sa pire performance en pourcentage (-23,3%).
Au 31 décembre, sa valeur totale restait à un montant colossal de 12.429 milliards de couronnes, soit près de 1.150 milliards d'euros.
Soit un matelas de 2,3 millions de couronnes (210.000 euros), pour chacun des 5,4 millions de Norvégiens.
Ces lourdes pertes étaient attendues, après déjà trois mauvais premiers trimestres, reflets de la dégradation des marchés financiers l'an passé.
La situation mondiale a eu "un impact négatif tant sur le marché actions que le marché obligataire, ce qui est très inhabituel", a souligné la Banque de Norvège.
Environ 69,8% de la valeur du fonds est en actions, pour 27,5% en obligations et 2,7% dans l'immobilier.
"Tous les secteurs du marché action ont eu des rendements négatifs, à l'exception de l'énergie", précise la direction du fonds.
Le fonds pétrolier norvégien est l'un des plus gros investisseurs au monde avec des parts dans près de 9.400 entreprises dans environ 70 pays, dont des grands noms de la technologie comme Apple, Microsoft ou encore Alphabet, la maison-mère de Google.
A lui seul, il pèse plus de 1% de la capitalisation boursière mondiale. Un poids qui lui permet d'être un actionnaire influent dans de nombreuses multinationales.
Les pertes de 2022 marquent une inversion de tendance: en 2021, le fonds avait engrangé 1.580 milliards de couronnes, et 1.070 milliards en 2020, dopés par l'afflux de liquidités.
La valeur totale du fonds reste toutefois légèrement supérieure à son niveau de fin 2021 (12.340 milliards de couronnes), en raison de l'entrée d'argent frais et de la dépréciation de la devise norvégienne sur le marché des changes.
Avec les prix élevés du pétrole et du gaz provoqués par l'invasion de l'Ukraine et les sanctions contre la Russie et son immense production d'hydrocarbures, la Norvège a vu ses entrées pétrogazières s'envoler l'an passé.
Près de 1.085 millards de couronnes, soit environ 100 milliards d'euros, ont été injectés l'an passé, selon la Banque de Norvège.
Le fonds souverain avait décidé en mars de faire une croix sur ses investissements russes, estimés à 2,7 milliards d'euros avant la guerre, en les considérant comme "perdus".
Globalement, les actions ont affiché une performance de -15,3%, tandis que les obligations ont également souffert quasi autant (-12,1%). Seul l'immobilier (+0,1%) et la quatrième classe encore marginale des infrastructures d'énergie renouvelable (+5,1%) ont résisté.