LONDRES (Reuters) - Plus de 200 des plus grandes entreprises cotées du monde prévoient que le changement climatique pourrait leur coûter près de 1.000 milliards de dollars (888 milliards d’euros) au total, en grande partie dans les cinq prochaines années, selon un rapport de l’organisation CDP publié mardi.
Les conclusions du CDP - une ONG qui dispose de la plus importante base mondiale de données sur la performance environnementale des villes et des entreprises - laissent entendre que de nombreuses sociétés sous-estiment toujours les risques liés au climat, alors que les scientifiques ont prévenu que le point de bascule catastrophique pour la Terre est proche sans réduction rapide des émissions de carbone.
“La plupart des entreprises ont encore un long chemin à parcourir pour bien évaluer les risques liés au climat”, a déclaré Nicolette Bartlett, directrice au CDP et auteur du rapport.
Le CDP - anciennement connu sous l’appellation Carbon Disclosure Project - est une voix respectée au sein d’un nombre grandissant de groupes de pression, de gestionnaires de fonds, de banquiers centraux et de politiciens qui estiment que le réchauffement climatique constitue un risque systémique pour le système financier.
Le CDP a analysé les données de 215 des plus grandes entreprises, allant d’Apple à Microsoft, en passant par Unilever, UBS, Nestlé, China Mobile, Infosys, Sony et BHP.
Les entreprises prévoyaient des coûts supplémentaires totalisant 970 milliards de dollars en raison de facteurs tels que l’élévation des températures, les intempéries soudaines et violentes ou encore la tarification des émissions de gaz à effet de serre. Environ la moitié de ces coûts ont été perçus comme “probables ou quasi certains”.
De nombreuses entreprises ont également perçu un potentiel énorme si le monde pouvait réduire les émissions carbonées à temps pour éviter les scénarios climatiques les plus sombres, que les scientifiques considèrent comme une menace pour la civilisation industrielle tout entière.
Les entreprises considérées dans l’étude du CDP, dont la capitalisation boursière combinée avoisinait les 17.000 milliards de dollars, ont entrevu des opportunités potentielles d’une valeur de 2.100 milliards de dollars, allant d’une demande plus rapide que prévu en véhicules électriques aux investissements dans les énergies renouvelables.
Les préoccupations des investisseurs concernant le risque climatique ont fortement augmenté parallèlement à la montée du militantisme climatique dans de nombreux pays, car les vagues de chaleur, les sécheresses, les incendies de forêt et les super-tempêtes sont de plus en plus difficiles à ignorer.
En avril, le gouverneur de la Banque d’Angleterre Mark Carney et son homologue de la Banque de France François Villeroy de Galhau ont mis en garde contre le risque d’un “moment Minsky” - c’est-à-dire un effondrement soudain de la valeur des actifs - lié au climat à moins d’un engagement fort des entreprises.
Le CDP aligne ses questionnaires sur les critères de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) - créée en 2015 par le G20 lors de la COP21 pour définir des recommandations de transparence financière des entreprises en matière de climat -, qui doit publier un rapport d’étape mercredi.
Le CDP, basé en Grande-Bretagne, reconnaît que ses recherches ne peuvent fournir un instantané parfait de la réflexion des entreprises du fait de l’absence d’obligation de déclaration en matière de risque climatique. Ce qui signifie qu’il doit s’appuyer sur les données fournies par les entreprises elles-mêmes.
Bien qu’aucun secteur ne soit totalement transparent en matière de risque climatique, les sociétés de services financiers ont tendance à figurer parmi les plus réceptives, représentant environ 70% à 80% des coûts et opportunités estimés.
Les entreprises de combustibles fossiles qui ont répondu au CDP ont signalé 140 milliards de dollars d’opportunités potentielles liées à une transition vers une économie sobre en carbone - soit plus de cinq fois les 25 milliards de dollars de risques identifiés, a précisé le CDP.
Alors que l’action climatique vise à limiter la combustion de charbon, de pétrole et de gaz, le CDP a demandé aux investisseurs pourquoi les acteurs du secteur des énergies fossiles semblaient si confiants de tirer parti d’une transition énergétique qui rendrait leurs modèles commerciaux obsolètes.
“Le secteur financier semble identifier plus de risques que l’économie réelle”, a déclaré Pedro Faria, conseiller stratégique du CDP. “Cela soulève la question : qui gère ces risques ?”