WASHINGTON, 15 juin (Reuters) - La Réserve fédérale américaine a laissé sa politique monétaire inchangée mercredi tout en réaffirmant tabler sur deux hausses de taux cette année, même si la révision à la baisse de ses prévisions de croissance l'a conduite à réduire le niveau auquel elle s'attend à voir culminer le loyer de l'argent.
Et même ses anticipations pour cette année en matière de taux d'intérêt sont moins affirmées qu'auparavant: six des 17 gouverneurs et présidents des antennes régionales de la Fed intègrent dans leurs prévisions une seule hausse de taux d'ici fin décembre, soit cinq de plus qu'il y a trois mois.
"Nous sommes assez incertains pour ce qui est de savoir où se dirigent les taux à plus long terme", a reconnu la présidente de la Fed, Janet Yellen, lors d'une conférence de presse.
La banque centrale a abaissé sa prévision de croissance 2016 à 2,0, contre 2,2% en mars, et celle de 2017 à 2,0% également contre 2,1% il y a trois mois.
Elle a aussi réduit d'un quart de point, à 3%, le niveau de taux qu'elle juge approprié à plus long terme et laissé entendre qu'elle serait moins empressée de resserrer sa politique monétaire au-delà de la fin de l'année.
Janet Yellen n'a donné aucun indice sur la possibilité d'un relèvement des taux dès la prochaine réunion, fin juillet. Les marchés excluent désormais pratiquement toute hausse de taux d'ici la fin de l'année.
"Si les données récentes sur le marché du travail ont été décevantes, il est important de ne pas sur-réagir aux chiffres d'un ou deux mois", a dit la présidente, ajoutant que la Fed tablait sur une amélioration sur le front de l'emploi.
Les dirigeants de la Fed sont également préoccupés par la possibilité de turbulences financières en cas de vote favorable des électeurs britanniques à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne le 23 juin. LES "FAUCONS" PLUS DISCRETS
Si le communiqué de politique monétaire publié mercredi ne mentionne pas spécifiquement le risque de "Brexit", Janet Yellen, la présidente de l'institution, a expliqué lors d'une conférence de presse qu'il était l'un des facteurs ayant conduit au statu quo sur les taux, voté à l'unanimité.
Elle a expliqué qu'une victoire du camp du "Leave" aurait "des conséquences sur la situation économique et financière et sur les marchés financiers mondiaux".
Wall Street, qui évoluait dans le vert depuis l'ouverture, est passée en territoire négatif en toute fin de séance, l'indice Dow Jones cédant 0,2% en clôture.
Les rendements des emprunts d'Etat américains se sont quant à eux orientés à la baisse et le dollar a creusé ses pertes.
Les analystes ont noté que même les membres du FOMC les plus favorables à la hausse des taux avaient modéré leur position.
"Elle est aussi 'colombe' que la Fed peut l'être sans aller jusqu'à baisser les taux", a commenté Brian Jacobsen, responsable de la stratégie d'investissement de Wells Fargo Fund Management. "Même (la présidente de la Fed de Kansas City) Esther George s'est abstenue d'exprimer son désaccord. Le rythme d'évolution des taux est ralenti, ce qui constitue un important virage accommodant."
La Fed a relevé les taux en décembre dernier pour la première fois, portant l'objectif des "fed funds" entre 0,25% et 0,50%. Elle déclarait alors tabler sur quatre autres hausses en 2016 mais les incertitudes économiques mondiales et la volatilité accrue des marchés financiers internationaux l'ont par la suite conduite à ramener ce chiffre à deux.
Si les inquiétudes suscitées par la conjoncture mondiale se sont en partie apaisées, le net ralentissement des créations d'emploi en mai a perturbé les anticipations, même si des indicateurs publiés depuis suggèrent qu'il pourrait ne s'agir que d'une faiblesse passagère.
Dans son communiqué de mercredi, le FOMC note d'ailleurs que l'activité économique semble s'être redressée depuis avril. (avec David Chance; Marc Angrand pour le service français) Reuters