NEW YORK (Reuters) - Le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, a semblé signaler mercredi que la banque centrale s’approchait de la fin de ses relèvements de taux, ceux-ci se trouvant désormais “juste en dessous” d’un niveau neutre qui ne stimule ni ne freine la croissance.
Ces déclarations, qui ont provoqué une forte hausse du marché d’actions américain et pesé sur le dollar, marquent un revirement par rapport à début octobre, lorsque Jerome Powell avait estimé que les taux étaient probablement “encore loin” du niveau qualifié de neutre et que la Fed pourrait même aller au-delà au vu de l’évolution “extrêmement positive” de l’économie américaine.
Ce changement de discours, jugé accommodant, intervient alors que Donald Trump a régulièrement critiqué ces derniers mois le relèvement des taux entrepris par la Fed.
Jerome Powell “a donné au marché, et probablement à Donald Trump, exactement ce qu’il voulait, à savoir la reconnaissance que la trajectoire proposée auparavant de hausse de taux était probablement trop agressive et la perspective d’un ralentissement du rythme du resserrement monétaire”, observe Oliver Pursche, responsable de la stratégie chez Bruderman Asset Management.
La Fed a relevé ses taux à trois reprises d’un quart de point depuis le début de l’année et devrait décider d’un quatrième relèvement à l’issue de sa prochaine réunion le 19 décembre.
Mais les signes de ralentissement de l’économie à travers le monde et près de deux mois de forte volatilité sur les marchés d’actions ont entaché le tableau presque idyllique offert par l’économie des Etats-Unis, où l’activité croît bien au-delà de son potentiel et où le chômage évolue à un plus bas depuis les années 1960.
Lors d’un déjeuner organisé par l’Economic Club de New York, Jerome Powell a dit mercredi que la banque centrale n’avait “pas de trajectoire prédéfinie de politique monétaire” et qu’elle prêtait une “très grande” attention aux données économiques qu’elle reçoit même si elle continue de tabler sur une croissance “solide”, un chômage faible et une inflation proche de son objectif de 2%.
Il a justifié la hausse des taux d’intérêt en soulignant qu’il y avait “beaucoup de bonnes choses” dans la conjoncture économique américaine, tout en évoquant la nécessité d’équilibrer les risques au fur et à mesure que la politique monétaire se rapproche de son niveau neutre.
“Nous savons que la situation se révèle souvent assez différente des prévisions, même les plus prudentes”, a-t-il dit. “Notre trajectoire de relèvement graduel des taux d’intérêt est un exercice d’équilibrage des risques.”
Les taux d’intérêt, a-t-il ajouté “sont encore bas comparés aux références historiques et restent juste en dessous du large éventail des estimations du niveau qui serait neutre pour l’économie”.
Jerome Powell n’a donné que peu d’indices sur la durée attendue du cycle actuel de remontée des taux mais il a expliqué que le taux des “fed funds”, fixé à 2%-2,25%, était désormais “juste en dessous” de son niveau neutre.
Il a ajouté qu’il était trop tôt pour voir si l’épisode récent de volatilité sur les marchés financiers pouvait changer les estimations de la banque centrale sur le taux neutre et le niveau d’emploi maximal.
“Il reconnaît désormais être proche du taux neutre, ce qui suggère peut-être qu’il n’y aura pas autant de hausses de taux dans l’avenir que ne le pensent les investisseurs”, a commenté Jack Ablin, directeur des investissements de Cresset Wealth Advisors. “C’est clairement un changement de discours et une bonne nouvelle pour les investisseurs.”
Wall Street a accru sa progression après les propos de Jerome Powell pour gagner autour de 2% en fin de séance. Parallèlement, les rendements des emprunts d’Etat américains et le dollar baissaient.
Alors que l’indice Standard & Poor’s 500 de la Bourse de New York a perdu environ 8% depuis le début du mois d’octobre, les responsables des grandes banques centrales se sont montrés plus prudents ces dernières semaines dans leurs commentaires sur l’évolution de la conjoncture mondiale, d’autant que les signes de ralentissement se multiplient en Chine, en Europe et au Japon.
Jerome Powell par ailleurs cité les conclusions du rapport de stabilité financière de la Fed, publié deux heures avant son discours.
“Mon évaluation personnelle est que si les risques sont supérieurs à la normale dans certains domaines et inférieurs à la normale dans d’autres, les faiblesses globales pour la stabilité financière se situent à un niveau modéré”, a-t-il dit.
Il a toutefois souligné que le niveau élevé de l’endettement des entreprises pourrait amplifier un éventuel ralentissement de l’économie, sans pour autant “constituer une menace pour la sécurité et la santé des institutions qui sont au coeur du système”.
Il a ajouté que la Fed n’avait observé aucun “excès dangereux” sur les marchés boursiers, les ratios de valorisation cours/bénéfice restant proches des niveaux historiques.