(Reuters) - La récession subie par la zone euro, déjà la plus violente de sa jeune histoire, devrait être pire encore que prévu il y a un mois, montre vendredi une enquête de Reuters auprès d’économistes, et elle devrait conduire la Banque centrale européenne à annoncer en juin une augmentation de ses achats d’obligations.
Les quelque 80 experts interrogés entre le 11 et le 14 mai ont revu à la baisse leurs prévisions économiques pour la troisième fois en un peu plus d’un mois: ils tablent désormais pour 2020 sur une contraction de 7,5% du produit intérieur brut (PIB) des 19 pays ayant adopté la monnaie unique, alors qu’ils prévoyaient une baisse de 5,4% il y a trois semaines.
Le PIB de la zone euro a reculé de 3,8% sur les trois premiers mois de l’année selon les chiffres d’Eurostat et l’enquête montre que sa contraction devrait être près de trois fois plus forte sur avril-juin avec une chute attendue de 11,3%, contre -9,6% prévu dans l’enquête précédente.
Le PIB devrait rebondir de 7,2% au troisième trimestre puis de 2,8% au quatrième, sans pour autant compenser les pertes du premier semestre. Mais les hypothèses les plus pessimistes intègrent une nouvelle contraction sur juillet-septembre.
Le taux de chômage dans la zone euro devrait augmenter de près de deux points à 9,3% en 2020, une hausse bien plus limitée que celle en cours aux Etats-Unis.
La BCE, elle, devrait amplifier son soutien à l’occasion de sa réunion du 4 juin en augmentant de 375 milliards d’euros le montant de son “Programme d’achats d’urgence pandémique” (PEPP), doté initialement en mars de 750 milliards.
Il faut ajouter à ces montants les 20 milliards d’euros consacrés chaque mois aux achats réalisés dans le cadre des dispositifs déjà en place avant la crise du coronavirus.
Au total, selon l’enquête de Reuters, le bilan de la BCE devrait ainsi atteindre 6.500 milliards d’euros d’ici la fin de l’année, contre environ 5.000 milliards aujourd’hui.
“La politique monétaire aura pratiquement atteint son niveau maximum avant la fin de la récession”, estime Giada Giani, économiste Europe de Citi. “Pour l’instant, elle a pour objectif de faciliter l’usage de la politique budgétaire. La BCE peut y parvenir en augmentant le montant de ses achats et en les prolongeant au-delà de cette année.”
Plus de deux tiers des 28 économistes ayant répondu à une question sur le sujet ont estimé que la BCE devrait emboîter le pas de la Réserve fédérale américaine en étendant ses achats aux obligations d’entreprise ayant perdu leur notation en catégorie d’investissement depuis le début de la crise, les “anges déchus” ou “fallen angels”.
Cette innovation pourrait toutefois exposer la BCE à de nouvelles critiques au moment où elle doit faire face à l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande exigeant qu’elle apporte la preuve de la nécessité et du caractère proportionnel de ses achats d’obligations.
Plus des trois quarts (22 sur 29) des économistes ayant répondu à une question sur ce point ont dit que la décision des juges allemands ne devrait pas avoir un impact durable sur la manière dont la BCE définit sa politique.