A moins d'une volte-face, la banque centrale américaine va agressivement augmenter mercredi ses taux directeurs pour contrôler une inflation vertigineuse, un combat délicat et loin d'être gagné avec le risque de plonger les Etats-Unis en récession.
A l'issue d'une réunion de deux jours, le Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale (Fed) doit annoncer une hausse d'un demi-point de pourcentage, la première de cette ampleur depuis mai 2000.
En mars, la Fed avait commencé à relever ses taux, pour la première fois depuis 2018. Mais elle avait agi avec prudence en les portant dans une fourchette comprise entre 0,25 et 0,50%, soit une hausse de 0,25 point de pourcentage.
Elle avait toutefois signalé sa volonté de procéder à six autres hausses cette année, soit autant que de réunions d'ici à fin 2022.
Depuis, l'inflation a continué de grimper. Aggravée par la guerre en Ukraine, elle a atteint en mars un sommet jamais vu depuis décembre 1981: +8,5% sur un an, selon l'indice CPI.
C'est le président de la puissante institution, Jerome Powell, qui a lui-même annoncé le 21 avril qu'il était "absolument essentiel" de rétablir la stabilité des prix et de relever "rapidement" les taux.
La banque centrale américaine a deux missions principales: assurer la stabilité des prix et le plein emploi.
Outre la poussée des prix, Jerome Powell déplore un marché de l'emploi qui n'est "pas sain".
En effet, le taux de chômage est proche de son niveau d'avant la pandémie (3,6% en mars contre 3,5% en février 2020). Et il devrait rester inchangé en avril.
Mais les entreprises sont confrontées depuis des mois à des pénuries de main-d'oeuvre et à des démissions massives. En mars, 4,5 millions de personnes ont encore quitté leur emploi, alors que le nombre d'offres a grimpé à 11,5 millions, un record, selon le bureau des statistiques.
Pour attirer les candidats et fidéliser leurs salariés, les entreprises augmentent les salaires, ce qui a pour effet d'alimenter l'inflation.
Outre les taux d'intérêt, la banque centrale devrait acter le début de la réduction de son bilan, une autre étape majeure de la normalisation.
Jusqu'à présent, la Fed a clairement télégraphié ses plans, annonçant à l'avance ce qu'elle comptait faire, limitant ainsi la volatilité sur les marchés.
Pour autant, les investisseurs attendaient avec fébrilité l'issue de la réunion du Comité monétaire.
Mercredi, ils guetteront toute indication sur ce que la Fed compte faire lors des prochaines réunions, alors que le contexte a changé depuis mars.
La guerre russo-ukrainienne qui s'enlise pèse sur la croissance européenne, fait grimper les prix mondiaux de l'énergie et met en péril la sécurité alimentaire dans le monde. Parallèlement, la politique de tolérance zéro contre le Covid en Chine a aggravé les problèmes sur les chaînes d'approvisionnement mondiales.
Tous ces facteurs ralentissent la croissance américaine. Le Produit intérieur brut américain a même enregistré une contraction de 1,4% au premier trimestre.
Pour l'heure, les économistes restent optimistes, arguant que la consommation se maintient malgré l'inflation.
Jusqu'à présent, les dirigeants de la Fed ont estimé être en mesure de ramener l'inflation à leur objectif de 2% sans porter les taux à plus de 3% pour éviter de faire caler la demande. Il s'agit, selon eux, d'une fourchette "neutre" qui ne pourra ni stimuler, ni ralentir la croissance économique.
Une majorité d'experts tablent désormais sur une autre hausse encore plus agressive de trois quarts de point de pourcentage lors de la réunion de juin, ce qui serait une première depuis 1994.
Reste à savoir si Jerome Powell infléchira ou non le cap. Il tiendra sa traditionnelle conférence de presse mercredi à 14H30 (18H30 GMT), où il sera pressé de dire combien de hausses le comité compte appliquer cette année et l'année prochaine.
Le dirigeant devra aussi dissiper les doutes sur la possibilité que la première économie s'achemine tout droit vers une récession.
Le Fonds monétaire international vient d'abaisser sa prévision de croissance pour les Etats-Unis, à 4% contre 5,2% quelques mois plus tôt.