L'euro n'en finit pas de s'apprécier, notamment contre le dollar, mais l'évolution des taux réels de part et d'autre de l'Atlantique et le positionnement des investisseurs sur les marchés à terme et d'options sur l'euro/dollar laissent penser qu'il pourrait marquer le pas.
La monnaie unique européenne a atteint mercredi matin un pic d'un an, touchant un plus haut en séance à 1,1388, et affiche une progression de l'ordre de 10% depuis son point bas du début de l'année à 1,0342, lorsque de nombreux stratégistes le voyaient aller jusqu'à la parité avec le dollar, voire en dessous.
Les déclarations, mardi, du président de la Banque centrale européenne Mario Draghi, selon lesquelles la politique monétaire deviendrait encore plus expansionniste si tout restait en l'état, ont été interprétées par les investisseurs comme un engagement renouvelé en vue d'une sortie progressive de la politique monétaire accommodante.
Des sources au sein de la BCE ont cependant fait passer le mot que ces propos avaient été surinterprétés et n'annonçaient pas un resserrement monétaire imminent, ce qui a eu pour effet de faire refluer l'euro mercredi après-midi.
Dans le même temps, la présidente de la Fed Janet Yellen, dont le discours mardi était aussi très attendu, n'a fait aucun commentaire sur l'orientation à venir de la politique monétaire et n'a donc pas dissipé les interrogations croissantes des investisseurs sur le rythme des relèvements de taux aux Etats-Unis.
Le report par le Sénat américain du vote sur la réforme de la santé a parallèlement souligné les difficultés du président Donald Trump à convaincre, y compris dans son propre camp, du bien-fondé de sa politique.
"Draghi a donné des ailes à l'euro, et le dollar est sans soutien", a résumé Antje Präfcke, stratégiste changes de Commerzbank, dans une note publiée mercredi.
Pour elle, la hausse de l'euro devrait toutefois rapidement perdre de son élan, Mario Draghi utilisant certes toutes les occasions pour préparer les marchés à une sortie graduelle de la politique monétaire ultra-accommodante mais tout en évitant soigneusement que les anticipations n'aillent trop loin.
Dans une note publiée bien avant la dernière intervention en date de Mario Draghi, les analystes de TS Lombard mettaient en avant trois motifs pour expliquer que la hausse de l'euro allait un peu trop vite, un peu trop loin.
Son net rebond après les succès électoraux d'Emmanuel Macron - franchissement du seuil de 1,08 dollar après le premier tour de la présidentielle puis de celui de 1,10 dollar après le second - est allé de pair avec un changement très rapide de positionnement sur les marchés à terme et d'options sur l'euro/dollar. Ce mouvement est en grande partie achevé et a même commencé à se retourner.
Les mouvements de taux nominaux ont légèrement évolué dans un sens favorable à l'euro mais pas au point de justifier un rally aussi prononcé. Surtout, l'écart de taux réels entre la zone euro et les Etats-Unis reste un frein et valorise la monnaie unique européenne à des niveaux plus proches de 1,07 dollar.
Enfin, l'euro n'est pas particulièrement bon marché en termes de taux de change effectif réel, relevaient les analystes de TS Lombard, puisqu'il se situe entre 4% et 7% en dessous de sa moyenne sur dix ans en fonction du déflateur retenu.
"Nous continuons d'anticiper un euro vigoureux avec la sortie graduelle de la politique monétaire extraordinaire (...), et les perspectives à long terme sont celles d'un euro plus fort et de rendements plus élevés au sein de la zone euro ; mais l'évolution de l'euro au cours de l'été est plus incertaine", prévenaient-ils.