La banque centrale américaine (Fed) s'apprête à réduire la masse des actifs financiers qu'elle a acquis dans le cadre de sa politique monétaire super-accommodante pour soutenir la reprise, un cap délicat à négocier pour ne pas ébranler les marchés financiers.
Lors de sa dernière réunion monétaire de mars, la Fed a longuement discuté de son plan visant à cesser de réinvestir le produit des titres obligataires qu'elle a acquis massivement après la crise de 2008, selon un rapport publié mercredi.
Un tel changement "serait probablement approprié plus tard cette année", indiquent les minutes de cette réunion, publiées mercredi. La Fed ne donne pas de date précise mais cela montre qu'elle est confiante sur l'évolution positive de l'inflation, de la croissance et de l'emploi aux Etats-Unis.
Ce calendrier pour tourner la page de la politique expansionniste exceptionnelle post-2008 est un peu plus rapide que ne s'y attendaient les acteurs financiers mais les membres de la Fed ont assuré qu'ils allaient prévenir le public "longtemps à l'avance".
C'est ce que certains membres du Comité ont déjà commencé à faire la semaine dernière, les déclarations de responsables --parmi lesquels William Dudley de la Fed de New York--, s'étant multipliées pour suggérer qu'une "réduction graduelle et prévisible des réinvestissements" était dans les tuyaux.
L'événement est de taille car il va progressivement clore un chapitre de la politique d'"assouplissement quantitatif" ("Quantitative Easing",QE) menée par la Fed entre 2010 et 2014.
Au terme de ces mesures alors inédites --maintenant suivies aussi par la Banque centrale européenne pour doper la reprise et lutter contre la déflation--, la Fed a effectué des rachats massifs de titres de dette.
Son bilan a gonflé à 4.500 milliards de dollars aujourd'hui, dont 2.500 milliards de dollars en bons du Trésor et 1.800 milliards de titres appuyés sur des créances hypothécaires.
- Resserrement du crédit -
De la même manière qu'elle a injecté des milliers de milliards de dollars de liquidités dans le système financier ce qui a contribué à maintenir des taux bas, la Fed va désormais resserrer les conditions du crédit en réduisant ces liquidités.
C'est ce que Janet Yellen, la présidente de la banque centrale, appelle "un outil passif" de politique monétaire.
La Fed a déjà relevé les taux deux fois d'un quart de point de pourcentage depuis l'élection de Donald Trump et prévoit deux autres hausses d'ici la fin de l'année.
Une étude d'économistes de Morgan Stanley estime que faire descendre le bilan de la Fed sous la barre des 4.000 milliards d'ici la fin 2019 correspondrait à deux modestes hausses des taux d'intérêt, soit +0,5%.
La banque centrale est un acteur qui pèse tellement lourd sur le marché de ces obligations qu'en stoppant ses réinvestissements, elle va réduire la demande sur ces titres, faire baisser leurs prix et donc faire monter leur rendement. Cela équivaut à un nouveau resserrement du crédit.
La manoeuvre est délicate et Ben Bernanke, l'ancien président de la Fed, avait provoqué de vifs remous sur les marchés lorsqu'il avait annoncé au printemps 2013 un ralentissement des rachats d'actifs.
Les mouvements de capitaux attirés par les perspectives d'un dollar plus rémunérateur avaient fui les pays émergents, provoquant des chutes de devises. Dans un blog récent, l'ex-patron de la Fed a conseillé de "ne pas se presser".
Plusieurs économistes prévoyaient un début de normalisation des actifs de la Fed plutôt vers la fin de l'année. "La date la plus probable pour introduire ce changement est probablement décembre", estimait Paul Ashworth de Capital Economics.
Pour Nariman Behravesh d'IHS, une prochaine hausse des taux devrait intervenir en juin mais "le dégonflement du bilan de la Fed ne commencera que début 2018".
Les analystes de Barclays Research, eux, se sont montrés "surpris" que la banque centrale discute déjà des modalités de normalisation de son bilan, alors qu'ils n'attendaient pas ce débat avant juin.
"Le désir de signaler cette possibilité de préférence plus tôt que plus tard vise à éviter les réactions négatives des marchés", ont-il estimé dans une note.
AFP.