La fronde d'actionnaires qui jugent Danone pas assez rentable a finalement eu raison d'Emmanuel Faber: le patron du fleuron français de l'agroalimentaire a été évincé avec effet immédiat, a annoncé le groupe lundi.
Connu pour défendre un capitalisme libéré du court-termisme, plus vert et plus social, Emmanuel Faber était devenu la cible ces derniers mois de fonds d'investissement qui le rendaient responsable de performances jugées moins bonnes que celles de concurrents comme Nestlé ou Unilever.
Son départ a été acté par le conseil d'administration, dont Gilles Schnepp, ex-patron historique du fabricant de matériel électrique Legrand, va prendre la présidence, a détaillé Danone lundi dans son communiqué.
Et en attendant de trouver un nouveau directeur général "d'envergure internationale", un duo intérimaire a été désigné "pour assurer la continuité de l'opérationnel": il est composé d'une directrice générale, Véronique Penchienati-Bosetta, et d'un directeur général délégué, Shane Grant.
L'annonce faisait bondir l'action Danone d'environ 5% lundi matin à la Bourse de Paris.
M. Faber, 57 ans, était directeur général depuis 2014 et avait été promu PDG en 2017. Il avait toutefois perdu les pleins pouvoirs début mars, lorsque le conseil d'administration avait décidé de dissocier les postes de président et de directeur général. Un gage octroyé à deux actionnaires rebelles, les fonds d'investissement Artisan Partners et Bluebell Capital, entrés récemment au capital à la faveur de la baisse de l'action.
Il avait alors été décidé de conserver Emmanuel Faber à la présidence du conseil d'administration, c'est-à-dire de lui laisser la main sur les orientations stratégiques, et de rechercher un nouveau directeur général, sans qu'une date soit toutefois fixée - en attendant, Emmanuel Faber continuait d'assurer la direction générale.
Dès le surlendemain, Artisan Partners, qui faisait campagne pour son départ pur et simple, avait dit inciter "vivement le conseil à revoir sa position".
Artisan, troisième actionnaire de Danone avec environ 3% du capital, appelait à nommer "immédiatement" un président "vraiment indépendant".
Lui et Bluebell jugeaient que, sous la direction d'Emmanuel Faber, Danone avait décliné par rapport à ses principaux concurrents. Ils demandaient aussi que le plan de réorganisation et de réduction des coûts lancé par Emmanuel Faber soit au moins suspendu.
Baptisé "Local First", ce plan, en cours de négociations avec les syndicats, vise selon la direction sortante à rendre Danone plus "agile" et générer des économies en supprimant des strates hiérarchiques. Jusqu'à 2.000 suppressions de postes sont prévues.
Inquiets de voir des fonds d'investissement dicter la stratégie du groupe, plusieurs syndicats du groupe (CFDT, FO et CGC) avaient apporté début mars leur soutien à la gouvernance actuelle.
"Moi, que ça soit Machin, Tartempion ou Bidule qui gère l'entreprise, à partir du moment où ils appliquent la même politique qu'on a aujourd'hui, ça nous va bien. Ce n'est pas l'homme qu'on défend, c'est la gouvernance", avait déclaré à l'AFP Bruno Largillière, coordonnateur CFDT chez Danone, tout en précisant préférer que M. Faber reste en place.
"On ne comprendrait pas du tout qu'il soit remis en cause pour apporter plus de bénéfice aux actionnaires qui aujourd'hui arrivent, ne pèsent que 3% et viennent révolutionner l'entreprise", avait-il ajouté.
En 2020, le chiffre d'affaires du géant agroalimentaire français a reculé de 6,6%, à 23,6 milliards d'euros, soit un manque à gagner d'environ 1,7 milliard par rapport à 2019. Emmanuel Faber avait promis un "retour à la croissance dès le second trimestre" 2021, à l'occasion de la présentation des résultats en février.
Lui aussi chahuté par la crise du Covid-19 et ses conséquences sur la consommation, son concurrent Unilever a pour sa part réussi à limiter le repli de ses ventes à 2,4% l'an passé.
AFP