Rio de Janeiro, 28 oct 2018 (AFP) - Virage à l'extrême droite pour le Brésil: Jair Bolsonaro a été élu dimanche président haut la main, avec 55,3% des voix, contre 44,7% à son adversaire de gauche Fernando Haddad.
Ces résultats ont été communiqués par le Tribunal supérieur électoral (TSE), après dépouillement de plus de 98% des bulletins de ce second tour de la présidentielle dans la première puissance d'Amérique latine.
"Ensemble, nous allons changer le destin du Brésil", a affirmé l'ex-capitaine de l'armée de 63 ans dans son premier discours, retransmis en direct sur Facebook.
"Nous ne pouvons plus continuer à flirter avec le socialisme, le communisme, le populisme de gauche", a-t-il ajouté, sur un ton martial.
Dès l'annonce des premiers résultats partiels, des feux d'artifice ont été tirés sur la plage de Barra da Tijuca, où plusieurs milliers de partisans de M. Bolsonaro étaient rassemblés devant son domicile pour célébrer la victoire de l'ex-capitaine de l'armée qui deviendra chef de l'Etat en janvier.
"Nous sommes le peuple indigné, exaspéré par la violence et la corruption. Le peuple a parlé. C'est la première fois que je me sens représenté", s'est exclamé André Luiz Lobo, chef d'entreprise noir de 38 ans.
Sur la plage de Barra da Tijuca, de nombreux militants criaient aussi des insultes contre le Parti des Travailleurs (PT) de Fernando Haddad et son mentor, l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, incarcéré pour corruption depuis avril.
À Sao Paulo, plus grande ville du Brésil, des milliers de partisans de Bolsonaro sont également descendus dans les rues, notamment Avenue Paulista, une des principales artères de la mégalopole.
Après le scrutin du 7 octobre qui a vu Bolsonaro frôler une élection dès le premier tour (46% des suffrages), les Brésiliens ont fait leur choix plus par rejet que par conviction: "contre la corruption" pour le candidat d'extrême droite, "contre la haine" pour celui de gauche.
Alvaro Cardoso, 55 ans, n'a pas hésité: "Bolsonaro va balayer les corrompus, il va chasser ces escrocs, ces communistes", voulait-il croire après avoir voté à Rio pour le candidat d'extrême droite qui a capitalisé sur l'exaspération des Brésiliens.
Renata Arruda, 41 ans, a voté Haddad. "Je n'ai jamais vécu une élection aussi polarisée. Je pense que c'est à cause de Bolsonaro qui est quelqu'un d'agressif, de fou. J'ai très peur", a-t-elle réagi en fondant en larmes dans un bureau à Sao Paulo, à l'évocation de ce chantre de la dictature (1964-1985).
Même si Jair Bolsonaro a promis d'être "esclave de la Constitution", Tomaz Paoliello, professeur de Relations internationales à l'université catholique PUC de Sao Paulo, considère que son élection présente "de gros risques pour la démocratie".
"Il a toujours pris position pour discréditer les institutions démocratiques. Une fois au pouvoir, il pourrait mettre en oeuvre un vrai démantèlement de la démocratie", a-t-il affirmé.
"Le futur président devra respecter les institutions, la démocratie et l'Etat de droit", a déclaré Dias Toffoli, président de la Cour suprême, après s'être rendu aux urnes avec la Constitution.
Pour Marcio Coimbra, de l'Université presbytérienne Mackenzie, le Brésil a des garde-fous solides avec "un parquet fort, une Cour suprême forte et un Congrès qui fonctionne".
Jair Bolsonaro a voté dans la matinée à Rio, évitant soigneusement la foule. Accompagné de sa troisième épouse Michelle, il n'a fait aucune déclaration, "pour des raisons de sécurité".
Le mois dernier, il a été hospitalisé pendant trois semaines après avoir frôlé la mort dans un attentat à l'arme blanche.
Après une dure campagne de l'entre-deux tours, alimentée par des discours de haine et émaillée de violences, le vote s'est déroulé dans le calme, a confirmé le ministre de la Sécurité publique, Raul Jungmann.
Le président sortant Michel Temer a indiqué que la transition débuterait "dès demain", lundi.
Dans un pays miné par une violence record, le marasme économique, une corruption endémique et une crise de confiance aiguë dans la classe politique, Jair Bolsonaro a réussi à s'imposer comme l'homme à poigne dont le Brésil aurait besoin.
Catholique défenseur de la famille traditionnelle, il a reçu le soutien crucial des puissantes églises évangéliques et a indigné, par ses déclarations outrancières, une bonne partie des Noirs, des femmes et des membres de la communauté LGBT.
Fernando Haddad, 55 ans, avait promis de "rendre le Brésil heureux de nouveau" comme sous les mandats de Lula dans les années de croissance (2003-2010).
Mais il n'a pas fait l'autocritique du PT, jugé responsable par beaucoup des plaies actuelles du pays, notamment la corruption.