BNP Paribas estime que si un rebond de la croissance est espéré pour 2021 grâce à une bonne campagne agricole, le redressement des activités hors agriculture risque d’être long. En revanche, la stabilité macroéconomique ne semble pas menacée. Mais la pression sur les comptes publics limite les marges de manœuvre.
«Alors que la circulation du virus s’est de nouveau intensifiée ces dernières semaines, les autorités marocaines continuent de chercher le bon équilibre entre urgences sanitaire et économique», écrivent les analystes. L’annonce du plan de soutien lors du discours du roi Mohammed VI illustre cette stratégie. Si le montant annoncé est important (120 mds, soit 11% du PIB), les mécanismes mis en place devraient permettre de limiter la pression sur les finances publiques. Plus de 60% sont en effet constitués de crédits garantis par l’État.
À l’image du fonds Covid, il est aussi prévu que les deux tiers de la dotation du nouveau fonds d’investissement (45 Mds de DH) soient couverts par des investisseurs privés et institutionnels. Le soutien de la politique monétaire passe par la mobilisation rapide des outils conventionnels, mais la banque centrale refuse d’intervenir directement dans le financement du Trésor.
«Dans un environnement instable, cette volonté de préserver la stabilité macroéconomique rassure. Néanmoins, les perspectives de rebond après le choc de 2020 restent incertaines».
Finances publiques : une envolée de la dette tenable
La pression sur les finances publiques est significative, explique BNP. Sur les huit premiers mois de l’année, les ressources fiscales et non fiscales affichent des replis de 8% et 14% respectivement. Malgré des dépenses quasi stables, grâce aux économies faites sur les subventions énergétiques et à un contrôle accru sur les investissements, le déficit budgétaire s’est creusé de 50% par rapport à août 2019 et une loi de finances rectificatives a dû être votée pour la première fois depuis 1990.
Néanmoins, la dégradation des finances publiques reste supportable dans la mesure où l’État continue de se financer à des conditions avantageuses. En dépit d’un gros volume d’émissions depuis le début de l’année, les taux des bons du Trésor n’ont ainsi jamais été aussi bas, ce qui devrait permettre de contenir la charge d’intérêts à moins de 13% des ressources budgétaires. De plus, la structure de la dette est peu risquée car composée à 78% de dirhams.
Une reprise en 2021 déjà contrariée ?
«La capacité de rebond de l’économie marocaine est difficile à évaluer. Si une meilleure campagne agricole est espérée en 2021 après deux années difficiles, le redressement des activités hors agriculture ne sera que graduel dans le meilleur des cas», constate la banque.
Pour la maison mère de BMCI, les mesures mises en place ont certes permis d’atténuer le choc mais elles n’empêcheront pas une montée des défaillances à mesure qu’elles prendront fin. Un stress test réalisé récemment par la banque centrale anticipe ainsi une hausse du taux de créances non-performantes à 9,9% fin 2020 et 10,8% fin 2021 contre 7,6% en 2019 (8,2% en juillet 2020).
La stabilité du système financier n’est pas remise en question mais les autorités monétaires ont prévenu qu’un nouvel exercice sera mené d’ici la fin de l’année pour tenir compte de l’évolution de la situation. En d’autres termes, une hausse encore plus significative des créances non-performantes n’est pas à écarter.
Le comportement des ménages demeure également une inconnue. Alors que la hausse du chômage est restée relativement contenue au T2 (+1,8 point à 12,3%), en particulier en zone urbaine (+0,5 point), la chute concomitante de 10 points de l’indice de confiance des ménages, à un niveau historiquement bas, semble traduire une détérioration marquée des conditions de vie.
Dernière inconnue : quelle sera la portée du plan de relance ? La dynamique de croissance était déjà modeste avant le choc de la pandémie malgré un taux d’investissement élevé, public comme privé. L’efficacité de la dépense publique va généralement de pair avec la mise en place de réformes structurelles qui peuvent être retardées dans un contexte difficile pour la population. Dans tous les cas, les marges de manœuvre seront étroites car la dette du gouvernement (bien que soutenable) commence à être élevée. La volonté de préserver le statut « Investment Grade » du pays devrait également inciter à la modération.