Après sa nomination par le Roi à la tête de la CNSS ce 11 février, Hassan Boubrik va devoir troquer sa casquette de contrôleur pour celle de gestionnaire, dans un secteur de la prévoyance sociale pour lequel il a longuement milité en faveur d'une évolution des pratiques. Avec cette nomination, le désormais ex-patron de l’ACAPS a une occasion en or de mettre sur pied ses propres recommandations. Hassan Boubrik face à lui-même....
Jusqu'au 11 février, Hassan Boubrik avait une mission de contrôle sur le secteur de la retraite. Sur les organismes de prévoyance sociale obligatoire comme la CNSS, cette mission est limitée au contrôle technique, alors que pour les sociétés mutuelles de retraites, comme la CIMR, la supervision est totale. Sur la première catégorie, l'ACAPS doit remettre un rapport annuel au chef de gouvernement que Hassan Boubrik commentait souvent dans la presse.
La CNSS épargnée par les déficits pour le moment...
Hassan Boubrik aura la responsabilité d'une caisse de retraite qui tourne globalement bien pour le moment, et ce malgré le fait que, on le verra plus bas, le coronavirus l'a bien contaminée. En effet, la CNSS a l'avantage de ne pas enregistrer de déficits pour le moment et profite de la bonne dynamique démographique du secteur privé. En la comparant par exemple au régime CMR, caractérisé par une population vieillissante avec une moyenne d’âge 44,3 ans pour les femmes et 46,5 ans pour les hommes, la CNSS dispose d'une pyramide démographique plus jeune d'une moyenne de 38,2 ans pour les hommes et de 36,7 ans pour les femmes, comme le montrent les graphique ci-bas:
...Mais la générosité du régime pèse sur les perspectives....
Hassan Boubrik a toujours préconisé de déplafonner ou au moins d'augmenter le plafond des cotisations de régimes comme la CNSS, estimant ce régime trop généreux, ce qui provoque, selon ses propos, «des habitudes de consommation chez les bénéficiaires». Concrètement, il préconise de réduire la couverture de base et d'en élargir le champ. «Je pense qu'il faut ouvrir le débat sur ce que doit être l'assurance de base. Aujourd'hui, les couvertures sont élevées. Il y a ce qui doit être couvert par la mutualisation, une couche qui peut être couverte par des mécanismes de marché et une troisième couche plus complémentaire : c'est un débat qu'il faudra poser sereinement», disait Boubrik dans une déclaration à Finances News en 2019. Des chiffres pour s'en convaincre : un affilié moyen de la CNSS perçoit un montant de prestations en valeur actualisée correspondant à 2,3 fois le niveau du montant qu'il a cotisé dans le régime, ce qui dénote, selon un rapport récent de l'ACAPS, d'une grande sous-tarification des droits accordés.
Heureusement, le mode d'acquisition des droits actuellement en vigueur fait en sorte que la caisse bénéficie d'une partie des cotisations sans contrepartie de droits. Ceci permet à la CNSS de compenser partiellement la sous-tarification du régime et de réduire le niveau de ses engagements non couverts.
... Alors que la pandémie accélère de 4 ans la date d’épuisement des réserves
Pièce maîtresse de l'artillerie de l'Etat face à la crise sanitaire, la CNSS est confrontée à une baisse des cotisations, à un glissement d'une partie du secteur privé dans l'informel et à une explosion du chômage suite aux conséquences de la crise. L’effectif des actifs cotisants a d'ailleurs connu une baisse de 35,8% à fin mai 2020, ce qui induirait, en conséquence, une accélération maximale de quatre années de la date de l’épuisement de ses réserves et de deux années la date de son premier déficit global, selon des stress-tests réalisés par l'ACAPS en 2020. Sur toute l'année 2020, il faudrait s'attendre à une baisse de 36% des actifs cotisants, dont 4,4% de manière définitive.
Le nouveau pilote de la CNSS, Hassan Boubrik, devra tirer sur le manche pour redresser la situation en tenant compte de ces contraintes techniques, mais aussi d'autres, plus politiques, plus sociales, plus complexes, relatives à l'impopularité de la revue des mesures paramétriques des retraites.
A.H