TOKYO (Reuters) - Le risque que le Japon entre en récession au cours de l’année fiscale qui débute en avril s’est accentué au cours des trois derniers mois, sous le coup du ralentissement mondial et du conflit commercial sino-américain, selon une enquête Reuters.
Les économistes estiment généralement que le pays échappera probablement à la récession sur la période, avec une croissance de 0,8%, mais les perspectives d’avenir sont fragiles.
Ces prévisions devraient encore compliquer la tâche du Premier ministre Shinzo Abe qui a l’intention de relever la TVA de 8 à 10% en octobre pour faire face à la montée des dépenses sociales liées au vieillissement de la population.
Le Japon subit indirectement l’impact de la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis dans la mesure où il fournit des équipements aux fabricants chinois de semi-conducteurs, de téléphones mobiles et d’autres produits.
Selon les dernières statistiques, les exportations japonaises ont nettement ralenti en novembre sous l’effet d’une forte baisse des livraisons vers les Etats-Unis et la Chine.
“Le conflit sino-américain décourage les dépenses d’investissement de la Chine, ce qui jette un froid sur l’économie du Japon via le ralentissement des exportations de biens d’équipement”, dit Shigeto Nagai, responsable de la recherche sur l’économie japonaise chez Oxford Economics.
Le président américain Donald Trump a fait état samedi de progrès dans les négociations commerciales avec Pékin et a nié avoir envisagé de rétablir les droits de douane à la frontière américaine sur les produits chinois.
L’incertitude concernant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne assombrit encore le tableau, disent les analystes.
“Les incertitudes sur la croissance mondiale, dont les perspectives du Brexit et l’impact des tensions commerciales entre Washington et Pékin sur l’économie japonaise, se concrétisent, ce qui a augmenté les risques par rapport à il y a trois mois”, dit Harumi Taguchi, économiste chez IHS Markit.
Au total, 28 des 38 économistes interrogés par Reuters disent que la probabilité que le Japon plonge dans une récession pour l’année fiscale 2019 a augmenté par rapport au mois d’octobre, selon le résultat d’une enquête menée du 9 au 18 janvier.
Selon une autre enquête de Reuters auprès de chefs d’entreprises, la confiance dans le secteur manufacturier a baissé pour le troisième mois d’affilée en janvier, à son plus bas niveau depuis deux ans, affecté par les inquiétudes sur la santé de l’économie mondiale et les tensions commerciales.
Shinzo Abe a déjà reporté deux fois le relèvement de la TVA en raison des incertitudes sur l’économie du pays, mais 27 économistes sur 39 estiment qu’il y a au moins 80% de chances qu’il procède à cette augmentation cette fois-ci.
Le Premier ministre a fait savoir qu’à moins d’une crise financière comme celle de 2008, il procèderait au relèvement. Pour amortir l’impact de cette mesure, Tokyo a l’intention de proposer des avantages fiscaux dans les secteurs automobile et immobilier et d’exempter certains produits de la TVA.
Selon les projections des économistes, l’économie japonaise accusera une forte contraction, de 3%, au quatrième trimestre 2019 (octobre-décembre), lorsque la TVA sera relevée. Mais pour l’ensemble de l’année, la croissance devrait atteindre 0,8%, selon l’enquête, avant de ralentir à 1,6% pour l’exercice fiscal suivant.
L’indice “core” des prix à la consommation (CPI), hors produits alimentaires frais, devrait augmenter de 0,6% en 2019, sans compter l’impact de la hausse de la TVA, après une hausse de 0,8% pour l’année en cours à fin mars, selon l’enquête.
La Banque du Japon (BoJ) réduira sans doute ses prévisions d’inflation à sa réunion de politique monétaire mardi et mercredi, selon des sources, le repli des cours pétroliers et la dégradation de la conjoncture mondiale éloignant la perspective d’atteindre son objectif de 2% de hausse des prix.
La BoJ devrait abaisser sa prévision d’inflation “core” à environ 1% pour 2019-2020 contre 1,4% auparavant, ont-elles dit.
De nombreux économistes interrogés s’attendent à ce que la prochaine étape de la BoJ consiste à commencer à normaliser sa politique monétaire ultra-accommodante. Ils ne sont que quelques uns à le prévoir pour cette année mais une majorité d’entre eux pensent que cela aura lieu en 2020 ou au-delà.