(Reuters) - Michel Barnier, négociateur en chef de l'Union européenne, et le ministre britannique du Brexit, David Davis, ont donné rendez-vous à la presse ce jeudi pour faire le point sur le cinquième round de discussions entre Londres et Bruxelles mais l'heure n'est pas à l'optimisme.
La conférence de presse des deux hommes est programmée vers midi (10h00 GMT).
Alors que l'horloge tourne, le divorce entre le Royaume-Uni et l'Union européenne devant être prononcé, conformément à l'article 50 du traité européen, en mars 2019, les négociateurs n'ont pas encore abordé au fond la "période de transition" qui pourrait amortir les effets du Brexit dans les deux premières années suivant divorce.
La Première ministre britannique, Theresa May, s'est prononcée en faveur de cette option lors de son discours de Florence, le 22 septembre.
Mais cette solution censée éviter un "saut dans le vide" au lendemain du divorce, privilégiée notamment par les entreprises britanniques, tarde à prendre forme.
Philip Hammond, ministre britannique des Finances considéré comme le plus fervent partisan de cette approche "douce" du Brexit au sein du cabinet May, a souligné mercredi que cette période de transition deviendrait un "wasting asset", c'est-à-dire un élément qui perd inéluctablement de sa valeur à mesure que le temps passe, si ses contours demeurent flous à l'entame de l'année prochaine.
La veille, le président du Conseil européen, Donald Tusk, avait menacé: si Londres échoue à régler les modalités du divorce d'ici décembre, et à débloquer de ce fait la deuxième phase des négociations, portant sur la période de transition et les futures relations entre le Royaume-Uni et l'UE, alors les Européens devront reconsidérer leurs objectifs.
"Nous entendons dire à Londres que le gouvernement britannique se prépare au scénario d'une sortie 'sans accord'. L'UE ne travaille pas sur un tel scénario. Nous négocions avec bonne foi et nous espérons toujours que le 'progrès suffisant' sera possible d'ici décembre", a-t-il dit.
"Cela dit, s'il s'avère que les discussions se poursuivent à un rythme lent, et que ce 'progrès suffisant' n'a pas été atteint, alors nous devrons, avec nos amis britanniques, réfléchir à la direction que nous voulons prendre."
Dans le lexique du Brexit, l'expression de 'progrès suffisant' porte sur les avancées à obtenir sur les grands contentieux du divorce (facture du Brexit, droits des ressortissants européens au Royaume-Uni et britanniques dans l'UE, frontière nord-irlandaise) avant que les Européens autorisent Michel Barnier à passer à la deuxième phase des négociations. L'AUSTRALIE OU LA NORVÈGE
Mais plus le blocage s'installe dans le temps, soulignent des négociateurs européens, plus le choix de Londres va se réduire.
En clair, le 30 mars 2019, au premier jour de la vie post-Brexit, les Britanniques n'auraient plus qu'une alternative: sortir sans accord de l'UE et de tous les systèmes communautaires (le "hard Brexit", ou Brexit dur) et être traité comme un pays comme l'Australie, ou opter pour un statu quo en restant membre de la plupart des systèmes communautaires mais en ayant perdu ses droits de vote, à l'image de la Norvège.
"Plus nous nous rapprocherons (de la date butoir), moins il y aura à discuter d'une transition et plus nous nous rapprocherons de ce qui ne serait qu'une transition du statu quo, avec la Grande-Bretagne restant dans tout, mais sans droit de vote", dit l'un d'eux. "Assez vite, ce sera la Norvège ou rien", ajoute-t-il.
Un autre responsable européen estime que cette option est de plus en plus crédible: "En mars 2019, dit-il, la Grande-Bretagne partira officiellement mais la plupart des arrangements existants demeureront de facto (...) Ils auront leur célébration d'indépendance' puis nous nous assiérons de nouveau et parlerons affaires."
L'ancien Premier ministre irlandais John Bruton recommande désormais de sortir du cadre de l'article 50, qui contraint de négocier une sortie de l'UE dans un délai de deux ans, et propose de prolonger de quatre années la période de négociations, ce qui repousserait la date butoir à 2023.
Ni Londres, ni Bruxelles n'en veulent. Mais Bruton a prévenu: "Le calendrier actuel, serré, augmente la probabilité d'une erreur de jugement et d'un départ du Royaume-Uni de l'UE sans aucun accord du tout."