Le gouverneur de Bank Al-Maghrib a apporté de nouvelles précisions sur l’avenir de la réforme du régime de change, un sujet qui alimente régulièrement le débat parmi les opérateurs de marché.
La réforme du régime de change au Maroc se veut progressive et sans à-coups. Si le FMI aurait souhaité une mise en œuvre plus rapide, les autorités financières du Royaume privilégient une consolidation des acquis à chaque étape avant de franchir un nouveau palier. La prochaine phase n’y dérogera pas, comme l’a rappelé le Wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, mardi lors d’une conférence de presse.
Il faut remonter à 2010 pour retrouver dans la presse les premières traces d’une réflexion sur la réforme du régime de change et l'envie d'abandonner le change fixe, coûteux en réserves de change. Mais la succession de crises régionales a retardé le passage à l’acte jusqu’au gouvernement El Othmani qui, en 2018, a décidé d’engager la transition graduelle d’un régime de change fixe vers un régime plus flexible. Cette première étape s’est traduite par un élargissement de la bande de fluctuation du dirham de ±0,3% à ±2,5% par rapport à un cours central fixé sur la base d’un panier de référence composé de l’euro (EUR) et du dollar américain (USD).
En mars 2020, le gouvernement et la Banque centrale ont franchi une nouvelle étape avec l’élargissement de la bande de fluctuation à ±5% et la mise en place d’un marché interbancaire des changes, aujourd’hui autonome et fonctionnant sans intervention de Bank Al-Maghrib. «Les banques y prennent désormais des positions longues ou courtes en fonction des flux de devises de leurs clients, dans la limite des bandes de fluctuation actuelles de ±5%», souligne le gouvernement, qui considère ce mécanisme comme une preuve tangible de l’avancée de la réforme et de la robustesse du système bancaire.
Interrogé sur la suite, le Wali a indiqué qu’elle passera par l’abandon total de l’ancrage au panier de devises euro/dollar – une étape qui confierait "au marché" la responsabilité de fixer la valeur du dirham uniquement selon la loi de l’offre et de la demande sur le dirham. En parallèle, le Maroc devra adopter un régime de ciblage de l’inflation, avec une inflation cible et un pilotage du taux de change à travers le taux directeur et les instruments de politique monétaire.
Quant au calendrier, et malgré l’insistance du FMI, Abdellatif Jouahri estime que le tissu économique marocain n’est pas encore prêt à absorber un tel changement, notamment les TPE. «Nous passons d’un ancrage de taux de change à un ancrage basé sur la politique monétaire via le taux directeur. Une telle transition exige que les entreprises comprennent pleinement les implications afin d’éviter des effets négatifs», a-t-il expliqué.
Un compromis a été trouvé avec l’institution de Bretton Woods : le Maroc avancera vers le ciblage d’inflation sans accélérer, dans un premier temps, la libéralisation du change. Pour ce faire, Bank Al-Maghrib a déjà lancé les travaux techniques et la formation des équipes en vue de préparer ce passage dès juillet 2025. Quelques ajustements restent à finaliser selon lui, notamment concernant les modèles utilisés.
Un exercice grandeur nature est prévu en 2026 : une «année test» durant laquelle Bank Al-Maghrib proposera au FMI d’appliquer simultanément l’actuel cadre de politique monétaire et les méthodes de ciblage d’inflation. Cette phase permettra de tester la robustesse des outils et la capacité d’adaptation du marché. Si les résultats sont jugés concluants, la mise en œuvre officielle du ciblage d’inflation interviendra le 1er janvier 2027. Le terrain sera alors préparé à l’abandon du panier de devises. Bank Al-Maghrib ne devrait pas abandonner pour autant les bandes de fluctuation pour garder la main sur la marché, toujours dans cette logique de réforme graduelle.
Y.S et A.H