Dimanche 18 Octobre 2015

Politique monétaire: la Super BAM de Jouahri est-elle possible ?

Analyse du Marché Boursier Marocain
La semaine dernière, abdellatif jouahri a tenu une réunion avec la commission des Finances au Parlement. On retient deux points essentiels de cette réunion: une plus grande autonomie de la Banque centrale, lui permettant d'agir sur la "stabilité financière" en plus de la stabilité des prix et la nécessité de passer à un régime de changes flexible. Le premier souhait du gouverneur de Bank Al-Maghrib est passé inaperçu dans la presse cette semaine. Pourtant, il a une incidence majeure sur les pouvoirs de la Banque Centrale.   
 
Dans le jargon des banquiers centraux, la stabilité financière a une définition claire : il s'agit de la supervision macro prudentielle. Jusqu'à présent, Bank Al-Maghirb analyse les établissements bancaires séparément pour évaluer leurs risques mais également leur degrés d'engagements dans l'économie. Elle analyse ensuite le système bancaire dans sa globalité en agrégeant les données. Cela permet de dégager d’éventuels risques systémiques. Les stress tests effectués annuellement permettent de détecter ce type de risques. A côté, la Banque centrale mène sa politique monétaire, dont l'objectif est la stabilité des prix, tout au long de l'année à travers ses outils conventionnels classiques. Il s'agit de la supervision micro-prudentielle. Ces éléments sont liés mais ils le sont encore plus lorsqu'une Banque centrale adopte une supervision macro-prudentielle. 
 
Le modèle fondé sur le triptyque indépendance-transparence-responsabilité (ITR), tel que défendu par abdellatif jouahri cette semaine, est un modèle qui s’est imposé largement comme le modèle de référence pour la gouvernance des banques centrales depuis la crise de 2008. Les autorités monétaires ne cherchent pas à atteindre la cible d’inflation dans le court terme, mais à moyen-long terme ce qui revient à lisser l’évolution de l’activité économique. Là aussi, le modèle du triptyque a fait preuve de son efficacité, surtout lorsqu'on y ajoute les mécanismes de ciblage de l'inflation pour ne pas exclure les populations moins riches du système. C'est le modèle brésilien si cher au gouverneur de la Banque centrale. 
 
Avant la crise de 2008,  l’action d'une Banque centrale se limitait à la conduite d’une politique monétaire orientée à moyen terme vers la stabilité des prix: injecter des liquidités en cas de crise et les retirer en cas de bulles. Mais, des limites sont clairement apparues. Aujourd'hui, La politique monétaire, la politique prudentielle et la politique budgétaire font partie de ce super ensemble appelé supervision macro-prudentielle qui caractérisent l'objectif de stabilité financière. Et c'est ce que veux Jouahri. 
 
Trop de pouvoir ? 
 
Ce nouveau modèle des banques centrales contient ce fâcheux inconvénient. L’institutionnalisation de ce modèle permettrait par exemple, à travers des outils précis, à la Banque centrale de remettre en place le gouvernement en cas de dérives budgétaires ou alors sanctionner une assurance de la place à cause d'une surexposition tout en demandant aux banques de mutualiser certains crédits. La BCE est un modèle similaire et il n'est pas rare qu'elle remette en place un gouvernement européen. Sans oublier qu'un tel modèle demande un accès encore plus important aux informations financières sensibles des établissements financiers de la part de la Banque centrale qui devra, dans sa logique de transparence pour l'indépendance, les restituer au public. C'est toute une culture que BAM doit instaurer. 
 
Mais une chose est sûre, les Etats qui ont mis ce modèle en place ont eu de bons résultats. 
 
Un modèle donnant-donnant 
 
Il est important de maintenir l’indépendance de la Banque centrale à l’égard des acteurs publics mais aussi privés, afin de contribuer conjointement à la stabilité des prix et à la stabilité financière et de minimiser les effets négatifs de l’instabilité sur l’activité et l’emploi. Mais l’élargissement des missions de BAM implique qu’elle rende davantage de comptes et explique davantage sa démarche non seulement dans les différentes instances et comités, mais également auprès du public. Cette réunion avec les parlementaires est une première démarche dans ce sens. Un Central banking artistique, communicatif et réactif. C'est ce qui est demandé en contre-partie de l'accès total et absolu aux données stratégiques de l'ensemble du système financier. 
 

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